Pourtant, une fois ouvert le livre, nous avons été frappées par l’écart entre ce que nous lisions et l’idée que nous nous en étions initialement faite. Une question embêtante et entêtante s’est alors immiscée dans notre lecture : pourquoi diable personne, parmi tous ceux qui nous l’avaient conseillé, n’avait semblé relever le virilisme bêta de ce livre ?
[...]
Quand les barres de fer bien dures se muent en corps efféminés, la révolution a du plomb dans l’aile, c’est certain. L’amour, la bonté et la gentillesse, voilà les vrais adversaires.
[...]
La Zone du dehors n’est pas directement le problème. Des romans virilistes béats qui projettent leurs fantasmes masculins sur tout ce qui bouge, il y en a d’autres. C’est plutôt sa réception presque unanime par une frange de la gauche critique qui nous interroge. Comment, à sa parution et encore aujourd’hui, ne pas remarquer le sexisme outrancier de ce livre, ou encore, comment en en ayant conscience, choisir ce type de récit pour alimenter un imaginaire révolutionnaire ? Quel changement social attend-on sur de telles bases, sans aucune réflexion sur la domination de genre [6] ? Au fond, nous avons fini par nous demander si ce n’était pas justement parce que, sous couvert d’idéal libertaire, il flattait des valeurs viriles déjà bien présentes dans les rangs de la gauche que ce roman plaisait tant à nos amis.
Pas lu, et je ne sais plus trop si je n'ai plus envie de le lire, ou si je vais le lire pour vérifier par moi-même ; ou si je n'aurais rien vu en le lisant sans avertissement préalable, ou si ça m'aurait sauté aux yeux quand même... Bref, c'est malaisant.
L'essence de cet article (ce n'est pas tout de faire la révolution, encore faut-il ne pas se comporter comme des connards virilistes aussi dégueulasses que le système contre lequel on prétend lutter) m'a fait penser à cet excellent roman d'Ursula K. Le Guin, Quatre chemins de pardon. Rattaché au "cycle" de l'Ekumen, ce roman met en scène une société esclavagiste, réparties sur deux planètes, l'oligarchie de propriétaires (noirs) de Werel réduisant en esclavage l'immense population blanche (les romans permettent de s'offrir de ces petites vengeances sur l'Histoire) et dont le sort déjà peu enviable devient un enfer sur la planète-colonie Yeowe (oh oh Yeowe, personne ne revient jamais).
Mais je m'égare. Les "mobiliers" se révoltent, s'ensuit une longue guerre qui bouleversera de fond en comble les systèmes de valeurs de deux planètes. Mais ce sont les hommes qui font la guerre et la révolution. Pour les femmes, la domination werelienne a juste été remplacée par celle des hommes. Il faudra faire une deuxième révolution pur qu'elles accèdent, elles aussi, à la liberté.
Un roman indispensable (même si j'ai déjà dû dire ça pour tous les romans d'Ursula La Guin, mais celui-là l'est encore plus que les autres).
Rokhaya Diallo sur Twitter :
Jacques Toubon dit clairement que le racisme n’est ni une question morale ni individuelle: c’est une forme de domination produite par un système.
Ce que je dis et écris depuis 10 ans.
Mais apparemment il faut être un homme blanc pour que ça passe.
➡️ C’est ça le privilège blanc.
Toutefois s'attacher à vouloir faire cesser le racisme, le sexisme, l'homophobie, etc. c'est bien beau mais ce sont des minorités qui se battent chacune de leur coté pour leurs propres intérêts.
[...]
Le problème de la lutte pour les droits des noirs, des femmes, des homosexuels ou tout autre groupe est à chaque fois le même: fondamentalement ces combats divisent et opposent au lieu de rassembler et fédérer. Quand on parle des noirs, ça oppose les blancs; quand on parle des femmes, ça oppose les hommes, quand on parle des homos, ça oppose les hétéros, etc. comme l'expose la chanson "Camps" de Jehan Jonas.
Et tout ça à partir d'une citation probablement apocryphe, et dans tous les cas hors contexte, de Morgan Freeman, le permaculteur bien connu.
Alors... hmm, non. Ça ne va pas du tout.
On va jouer ensemble : je ne vois pas un noir, je vois un homme ; je ne vois pas un musulman, je vois un homme ; je ne vois pas une femme, je vois... ah oui, merde, ça coince là.
Tellement de bons sentiments en quelques lignes, et tellement d'erreurs. Je crains de n'être pas assez compétent pour répondre.
1/ "Des minorités qui se battent chacune de leur côté"
Rien que cette phrase révèle l'ampleur de l'aveuglement de son auteur.
2/ "pour leurs propres intérêts"
Parce que quand je suis blanc, cisgenre, hétéro, valide (je rajouterais même chrétien, pour l’Occident), et aussi homme, je ne me bats pas pour mes propres intérêts ?
Attention, il y a un piège.
Eh bien non. Quand je suis blanc, cisgenre, hétéro, valide, je n'ai pas à me "battre pour mes propres intérêts", tout simplement parce que -on reste dans une vision occidentale de la chose, n'oublions pas que l'auteur considère les non-blancs comme une minorité- la société a été faite pour les gens comme moi. La société dans laquelle je nais, j'étudie, cherche un travail, me marie... perçois comme "normal" le fait d'être blanc, le fait d'être valide, le fait d'être hétéro ET cisgenre. Et perçois tout le reste comme des "minorités", avec la meilleure bonne foi du monde, et souvent avec de bonnes intentions. Sauf que les bonnes intentions, ça ne suffit pas.
3/ "Diviser pour mieux régner"
J'aimerais bien que ce soit ça, que ce soit une stratégie des possédants/dominants pour diviser leurs adversaires. Seulement, t'as écouté Manu hier soir ? Dans son passage sur l'actualité hors-Covid, il a dit à peu près : le racisme c'est caca, mais celles et ceux qui se battent contre sont d'affreux communautaristes (avant d'ajouter : la police française fait un excellent travail, hashtag cœur, hashtag amour). Ce ne sont pas les opprimés qui "divisent pour mieux régner", mais les dominants. Mais l'emploi de cette expression est assez révélateur de tout l'informulé de la pensée de son auteur. Le refoulé même.
4/ Orienter la lutte vers les causes premières. (Il dit qu'il voit pas le rapport)
A la base, j'aurais dû être d'accord. Mais au vu de tout ce qui précède, j'ai du mal. Oui, il faut en finir avec le capitalisme. Mais je ne suis pas certain que le sexisme soit une maladie de capitalisme. Je n'ai pas vraiment l'impression que les communistes soient moins sujets au racisme que la classe propriétaire des moyens de production. J'ai un gros doute sur le lien de causalité entre la transphobie et un système économique prônant l'accumulation du capital.
Je le recopie ici tellement c'est fascinant de bêtise et d'égoïsme :
Si une pensée humaniste nous amène à considérer comme une amélioration que les noirs soient moins tués et harcelés dans nos sociétés, on peut se demander à quoi ça va servir quand dans quelques décénnies les conditions propices à la vie telle qu'on la connait auront disparu de la planète.
5/ Conclusion
Une fois encore, on se trouve devant de la pensée, prête à mâcher, prête à servir, en mode réponse à tout. De la vraie saloperie, où l'auteur, du haut de sa bien-pensance, balaie d'un revers de main les petites luttes mesquines des femmes, des personnes racisées, des dominé·e·s de toute espèce d'un "argument" massue : "ah ah, quand la planète sera détruite, vous serez bien avancé·e·s avec vos petits combats égoïstes, qui ont divisés au lieu de fédérer."
Comme si on ne pouvait pas se battre POUR l'écologie, POUR l'égalité des droits (femmes, personnes racisées, personnes en situation de handicap, religions minoritaires, LGBTQ etc.), et CONTRE le capitalisme, tout ça EN MÊME TEMPS. Nan, nan, faut choisir ton combat, choisir ton "camp", et "plus moyen d'en sortir".
(c'est le préfet Lallement qui a écrit les paroles ? Ça ne m'étonne pas qu'il soit poète, un homme d'une telle sensibilité)
Allez, encore une couche parce que bon. Et puis j'ai faim.
J'ai été lire la post d'origine du HV. Je passe sur les citations hautement philosophiques tirées de Harry Potter ou des Pokémons, j'ai faim j'te dis. Mais je pense que la philosophie a perdu un maître, jdçjdr. Non, ce qui me pousse à réagir, c'est cette phrase :
Heureusement, rien de tout ça n’interdit d’être simplement gentil avec les autres ou ne constitue ni une excuse ni une raison à se comporter comme un connard.
Je me suis déjà exprimé sur le fait d'être "gentil" ICI, je ne vais pas recommencer. Ou alors juste pour dire que ça va encore dans le sens de ce que je viens d'écrire : tout le monde doit être gentil, mais bizarrement, surtout ceux à qui la vie chie dans la bouche et auxquels la société refuse une brosse à dents. Merde, manquerait plus qu'ils mordent ces cons là.
Bon, j'ai perdu beaucoup trop de temps pour cette connerie moi. Mais fallait que ça sorte.
Mumtâz Mahal était fiancée à l'âge de 14 ans. Elle a subi une grossesse presque tous les ans jusqu'à sa mort. Elle est décédée des suites d'une hémorragie post-partum à cause des grossesses multiples qu'elle a été forcée de subir. Il est absurde que beaucoup considèrent cette forme de travail reproductif mortel comme une indication du statut de femme "préférée" de Mumtâz. Être le premier choix du harem d'un homme, ce n'est sûrement pas l'idée qu'une femme se fait de la romance. Et Shâh Jahân de son vivant avait rassemblé 2.000 femmes dans son harem ! Mais si, effectivement, Shâh Jahân partageait cette intimité particulière avec Mumtâz, n'aurait-il pas remarqué son corps, visiblement, en train de s'affaiblir et de s'effondrer, juste devant ses yeux, à chaque grossesse successive ? Ou était-elle seulement un vagin et un utérus détachés, un jouet sexuel pour lui, et pas une personne réelle dont le corps, la santé et le bien-être s'enregistreraient dans sa conscience de quelque manière que ce soit ?
A méditer à chaque fois que l'on contemplera le Taj Mahal - monument par ailleurs contesté par les nationalistes hindou car étant l’œuvre d'un musulman...
Cyril Hanouna avait utilisé la même défense pour justifier d’avoir piégé un homosexuel et s’être foutu de sa gueule avec de l’humour homophobe.
Il avait dit que : “de toute façon on est tous égaux, alors on devrait traiter tout le monde de la même manière”.
Sauf qu’il s’est jamais moqué d’un hétérosexuel parce que hétérosexuel.Bref, qu’on soit tous égaux, c’est vrai dans la théorie, mais pas dans la pratique.
Si t’es hétérosexuel, tu risques pas de te faire casser la gueule parce que tu as tenu la main de ta compagne dans la rue et que des gens trouvent ça dégueulasse. Ca n’arrive jamais.
Donc on est pas tous égaux, hein.Agir comme si on était dans un monde où on est tous égaux, ça consiste juste à nier les inégalités. Tu ne peux pas te contenter de faire comme si on était tous égaux. Ca revient à offrir un livre à un aveugle sans tenir compte du fait qu’il est aveugle.
D’ailleurs du côté des antiracistes, j’ai souvent entendu dire que s’il n’y avait que les blagues, ça ne poserait pas de problèmes en fait. C’est pas vraiment les blagues le problème, c’est ce qu’elles impliquent, c’est ce qu’il y a à côté.
Je vais donner un exemple très simple avec les blagues sur les portugais ou les bretons. On en voit, on en entend régulièrement. Pourtant, il n’y a pas d’associations de portugais ou de bretons qui se plaignent de ces blagues. C’est pas parce qu’ils ont plus d’humour que les autres hein, c’est juste parce qu’ils peuvent se permettre d’en avoir rien à foutre, étant donné que ces blagues n’ont aucune conséquence. Personne n’est agressé parce que portugais. Personne n’est tué parce que breton.
Alors qu’une blague qui va légitimer le viol ou réduire sa gravité, ben ça va participer à rendre les violences faites aux femmes plus acceptables.
via @eliminature_
bon je rattrape les bails et j'apprends que l'invisibilisation est une oppression mdr alors jvous donne un recap des 5 faces de l'oppression
les 5 faces de l'oppression (théorisées par Young):
-marginalisation
-exploitation
-violence
-impuissance
-impérialisme culturel
Excellente métaphore sur, une fois encore la "violence" et "l'agressivité" des opprimé·e·s.
Tiens, j'avais loupé ça. Il a fait une suite pour se "justifier" depuis : https://odieuxconnard.files.wordpress.com/2016/06/redweb.jpg
Rien que pour le terme "extrémisme militant", j'ai envie de l'acheter pour le battre :/
Sinon je suis très triste, je n'ai pas trouvé le biais annoncé. J'ai cherché pourtant !
TIL : le gaslighting => agresser une personne et lui faire croire que c'est elle qui réagit mal.
c'est toujours la violence des opprimé.e.s qui est montrée du doigt.
via plusieurs shaarlistes
Un exercice intéressant, entre le risque du "politiquement correct" et la réelle bonne volonté. Je pense que la décision est la bonne, même si elle ne doit pas négliger la pédagogie que les "conservateurs" appellent de leurs vœux.
Il est à noter que le Rijksmuseum s'était déjà fait remarquer il y a quelques temps par son initiative originale vis à vis des selfies, cette plaie des musées. (http://www.exponaute.com/magazine/2015/11/28/au-rijksmuseum-au-lieu-de-prendre-un-selfie-dessinez/) Aucun rapport direz-vous ? C'est à voir. L'équipe dirigeante du musée s'intéresse à tous les aspects de la modernité, et repense le musée et la relation avec son public.
Merci à toi et Alda (http://tools.aldarone.fr/share/?zcPAWA) pour les explications, même si incomplètes, et les liens, que je recopie ) mon tour :
lmsi.net/Pourquoi-nous-ne-pouvons-pas
https://pbs.twimg.com/media/CAKxm_XWoAASZrd.jpg
Et je quote Alda :
"L'histoire (écrite par les dominants) essaye de le faire passer pour quelqu'un de modéré mais il était beaucoup plus radical que ce qu'on nous apprend.
[Pourquoi :] Pour nous faire croire que les gens qui demandent poliment obtiennent ce qu'illes veulent et que celleux qui revendiquent ne méritent que le mépris. Les appels au calmes, à la mesure, à la politesse, à la sacro-sainte objectivité ce ne sont que des artifices de dominants qui veulent conserver leurs privilèges."
Oh putain. Dur.
Pas de combats justes sans violence ?
C'est bon ça.
via Alda
Le site : http://humour-et-blagues-anti-dominants.tumblr.com/
Euh... Timo ?
T'as RIEN compris.
EDIT merci à... euh... "Mes liens" pour ce shaare http://fspot.org/lnk/?HePrcA qui dit exactement ce que je pense, sans avoir eu le courage de l'écrire.
"Il ne s'agit pas de dire que tous les jeunes oppressent activement leurs aînés, ou que les hétérosexuels oppressent activement les homosexuels. Il s'agit de constater que notre société dans son ensemble favorise certains traits, et que ne pas en être doté est donc défavorisant.
En tant que privilégiés, on n'a rien de particulier à faire pour bénéficier positivement de tout ça. Il suffit de "faire comme on a toujours fait", de suivre les chemins tracés. En tant que défavorisé, on est en revanche forcés de mener une lutte active et difficile (d'autant plus qu'on nous met des bâtons dans les roues). D'où les mots "oppression" et "résistance" qui peuvent paraître forts quand on est dans la partie supérieure du graphique, mais qui traduisent un vécu bien concret pour d'autres."
:(
via Timo (http://lehollandaisvolant.net/?id=20140816231731) avec qui je suis absolument d'accord, pour avoir exprimé de nombreuses fois une semblable opinion, même si c'était à propos des lois "antiterroristes", mais le mécanisme est le même.
Cela dit...
1/ Il y a beau temps que Max Weber a énoncé que l’État possède le monopole de la violence légale... et qu'il s'en sert comme il veut
2/ Sans vouloir marcher sur les plates-bandes de Kevin sans accent (mais j'espère qu'il me corrigera si je me trompe), un autre allemand dirait que nous avons affaire là à la défense des intérêts de la classe dirigeante
>> le rôle de l'armée n'est pas de défendre le peuple, ça c'est ce qu'on aimerait nous faire croire. Son rôle, c'est de défendre la Nation, le gouvernement, appelez ça comme vous voudrez. Et la Nation/le gouvernement, ce n'est pas le peuple. Et ça l'est de moins en moins. Hélas.
EDIT : à propos des "policiers déguisés en soldats" : https://twitter.com/BFriedmanDC/status/499728733830676480/photo/1 Je crois que tout est dit.
EDIT 2 : autre image trouvée sur Twitter, sur les manifestations pacifiques. Je crois que ça se passe de commentaires : https://twitter.com/The_Blackness48/status/499714499688300545/photo/1