Près d’un Français sur deux dit vivre avec moins de 200 euros à partir du 10 du mois, dont 31 % avec au maximum 100 euros, d’après une étude Ifop pour Monpetitforfait, que nous dévoilons.
Mais sinon, achetez une voiture électrique, mettez des sous de côté parce que l'Etat va pas payer pour vos retraites/santé/études, isolez vos logements...
Quand il y a un tel niveau de décalage, de dissonance même, entre la population et ses "élites" (souvenez-vous des 5€ sur les APL...), c'est que ça ne peut pas durer beaucoup plus longtemps sans péter.
via Guillaume Champeau sur Twitter
Après plusieurs années d’attente, l’Insee a enfin publié une estimation du nombre de personnes pauvres qui échappent à ses statistiques publiées chaque année. Officiellement, elles sont donc 1,6 million si on utilise le seuil situé à 60 % du niveau de vie médian.
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L’essentiel des pauvres oubliés des statistiques vit dans les départements d’outre-mer.
(900 000)
Vous vous rendez compte ? On leur donne l'autonomie ou l'indépendance, et paf, presque 1 million de pauvres en moins ! (c'est ironique, je précise)
Un tiers des chômeurs ne touchent rien. En ajoutant ceux qui touchent une faible indemnité, 40 % ne reçoivent pas plus de 500 euros par mois et les deux tiers moins que le Smic.
Les faits ? Sur 6,3 millions de demandeurs d’emplois, 2,6 millions sont indemnisés aujourd’hui. Soit un peu moins de 40 %. Le montant moyen des indemnités perçues : environ 1000 euros par mois. Pas de quoi se payer des vacances de rêve, même low-cost au Bahamas ! La moitié des personnes indemnisées – c’est-à-dire 1,3 million de personnes – reçoivent moins de 860 euros par mois [1] Elles vivent donc sous le seuil de pauvreté.
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En France, la moitié des demandeurs d’emploi n’ont aucune indemnité.
"Le ruissellement"
Je transcris les titres des 2 articles :
En août 2008, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié une enquête révélant que la différence d’espérance de vie entre un enfant né dans un quartier riche de Glasgow — au sud et à l’ouest — et un autre mis au monde dans un quartier pauvre de la même ville — à l’est — atteignait vingt-huit ans.
Gageons que ça n'a pas beaucoup évolué en 11 ans. Ou alors pas dans le bon sens.
Eh, bien, je ne connais pas de médecin qui n’aie pas, déjà, au cours de sa carrière, été amené à prescrire des compléments nutritionnels oraux en dehors de ces indications. Si la Sécu me demande, je nierais catégoriquement, mais oui, ça m’est arrivé d’en prescrire temporairement à des personnes trop pauvres pour avoir de quoi s’acheter à manger, et trop désociabilisées pour aller pointer à la banque alimentaire.
L'étude porte principalement sur ces 10 millions de Français en difficulté financière. Et plus d'un tiers d'entre eux disent avoir déjà renoncé à acheter du shampooing, du savon ou sont obligés de limiter leur consommation de papier toilette.
Plus les produits hygiéniques sont chers, moins les plus démunis peuvent se les procurer. Exemple avec la lessive : environ cinq millions de personnes lavent leur linge à la main et dans plus de la moitié des cas, elles sont contraintes d'utiliser du savon, du liquide vaisselle ou du gel douche.
Les femmes et les jeunes enfants sont les populations les plus concernées. Plus d'1,5 million de femmes ne peuvent pas changer suffisamment de protection hygiénique
Il disait quoi déjà Manu ? Ah oui, "les gens chougnent pour 5 €".
Eh oui, il y a des gens qui sont à 5 € près.
Plein de gens.
Beaucoup.
Trop.
Toutes les causes politiques qui pourraient expliquer leur situation ont été écartées. Ils sont en difficulté, mais on ne sait pas pourquoi. Il n’est jamais question d’inégalités sociales, de répartition capital/travail...
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Et à force de vouloir tout savoir "“à l’euro près”", on rentre dans un degré d’intimité qui oblige, à un moment à un autre, ceux qui sont filmés à devoir se justifier.
Une intéressante analyse de plus (déjà posté un truc là dessus, mais la flemme de chercher) sur le "droit de regard" que la société s’arroge sur l'argent des pauvres : moins t'en as, plus tu es sommé de justifier comment tu le dépenses, avec toujours cette putain d'arrière pensée de merde que si les pauvres sont pauvres, c'est qu'ils ne savent pas gérer leur budget.
Et, encore une fois, on s'intéresse à l'argent des pauvres, et uniquement à l'argent des pauvres :
Evidemment, les télés ne feraient pas ce type de reportage sur les riches. Vous imaginez Bernard Arnault détailler son frigo (A-t-il un frigo d’ailleurs ? Ou est-ce plutôt son personnel de maison qui a un frigo ?) ? Vous l’imaginez montrer ses achats de Noël (On offre quoi à Noël quand on a une fortune estimée à 72 milliards d’euros ?) Et vous imaginez Bernard Arnault détailler, calculette à la main, sur un petit cahier d’écolier, toutes les aides qu’il a reçues de l’Etat, à l’euro près ? 500 millions pour sa fondation Louis Vuitton, les millions d’euros d’aides pour ses journaux ("Le Parisien", "Les Echos"), les niches fiscales, les sociétés en cascade dans les paradis fiscaux… Non, le riche n’ouvre pas ses livres de compte chez lui devant des caméras, il n’a pas à se justifier aux journalistes. Et surtout : il ne viendrait pas à l'idée des télés de filmer leur intimité à l'euro près. Question de pudeur.
Une écrasante majorité d’entre eux expriment une grande hostilité à l’égard du mode de vie de cette famille, installée dans l’Yonne. Tout leur est reproché : le fait qu’ils aient quatre enfants à 26 ans, qu’ils touchent 914 euros d’allocations familiales, que la mère ne travaille pas – même si c’est pour éviter des frais de garde trop élevés –, le montant de leurs forfaits téléphoniques, le fait qu’ils aillent au McDo, qu’ils achètent des vêtements de marque à leurs enfants, et même qu’ils aient un chien.
Plop ! On arrête tout, et on va relire ce très intéressant article sur Une heure de peine, expliquant pourquoi l'argent des pauvres est beaucoup plus polémique que l'argent des riches.
Le quartier de Noailles abrite qui plus est des bâtiments très anciens, datant de près de 200 ans, et pas toujours bien entretenus par leurs propriétaires. "C’est un quartier emblématique de Marseille, très vivant, très attachant, mais aussi d’une grande pauvreté. Les locataires vivent de minimas sociaux, les propriétaires louent au prix des APL (aide au logement) et font le minimum de travaux, voire aucun. Et ça se dégrade lentement", constate encore Éric Baudet.
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Le bâti en lui-même est en pierre meulière, qui au fil du temps se transforme en sable… Et les planchers en bois sont pourris
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L'immeuble était depuis 2008 sous le coup d’un arrêté de péril
C'est vrai que 10 ans c'est un peu court.
A rapprocher de https://www.sammyfisherjr.net/Shaarli/?J1544w
via Seb
Les gens ne savent plus s'alimenter correctement, idiocracy n'est pas très loin.
Punaise, ça fait vraiment mal de lire ça. Non seulement si les pauvres sont pauvres, c'est de leur faute, mais si en plus ils en crèvent, c'est encore plus de leur faute, ils n'avaient qu'à bouffer correctement ces connards là !
Cette résurgence du scorbut -à côté de l'épidémie d'obésité, de la massification des maladies cardio-vasculaires et autres joyeusetés liées à la "malbouffe" comme certains types de cancer comme cela devient de plus en plus probable- frappe avant tout les plus démunis. Parce que moins tu as de revenus, plus la part de ceux-ci que tu consacres à ton alimentation est importante (=> Loi d'Engel ; aucun rapport avec le copain de Marx).
De fait, quand tu es pauvre, tu ne vas pas tellement te tourner du côté des fruits et des légumes frais, si important pour ta santé, mais tellement dispendieux. Tu vas plutôt ingurgiter de la junk food, des plats industriels tout préparés ; du gras, du sucre, du sucre, du sel, du gras, et encore un petit peu de sirop de glucose. Et quelques autres additifs que l'académie de médecine réprouve. Parce que c'est moins cher. Parce que c'est nourrissant. Et parce que tu n'as pas été vraiment éduqué à autre chose, il faut bien le dire. Mais là encore, c'est pas parce que tu es con·ne, c'est parce que tu n'as pas eu la chance de naître dans le bon milieu social. Et quand bien même l'aurais-tu été (éduqué·e), tu n'aurais pas les moyens de cotiser à une AMAP.
Cette réapparition du scorbut serait liée à la pauvreté, selon le médecin Eric Churchill. Par manque de moyens, de nombreuses personnes privilégient des aliments « riches en matières grasses, en calories et très nourrissants, […] qui vous combleront et vous satisferont davantage que la consommation de fruits et de légumes ». Mais qui entraîneront des carences.
L’Autre campagne est le fruit d’un rapprochement de plus de 50 associations liées à deux collectifs qui luttent contre la pauvreté et le mal-logement : ALERTE et le Collectif des Associations Unies.
Pour la première fois, les deux collectifs ont décidé de s’unir
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Concrètement, en cas de préjugé proféré par un responsable politique stigmatisant les plus fragiles, nous répondrons publiquement, en rétablissant les faits à partir de ce que vivent réellement les personnes.
Le site internet www.50assos-contrelexclusion.org abritera les textes de fact-checking ainsi que des propositions concrètes et chiffrées pour combattre durablement la pauvreté.
J'aime beaucoup cette analyse de LLM
Mh.
"Ah vraiment, il y a de quoi perdre foi en l'Humanité", etc.
Mouais.
Qui sont ces gens ? Pourquoi est-ce que ça se passe comme ça ?
Ça se passe dans le département de la Loire, et plus précisément dans le canton de Saint-Chamond (le découpage en canton est ici pertinent vu qu'il s'agit d'un commerce de proximité). Ce canton est assez pauvre, avec un taux de pauvreté (celui de 60%, retenu par l'INSEE) de plus de 17%, soit 4% de plus que la moyenne nationale. C'est donc un territoire très pauvre.
Sur les vidéos on sent bien d'ailleurs qu'on n'a pas affaire à des bourgeois, dans les expressions et le registre de langue utilisé, c'est assez évident.
La réalité c'est qu'autour de ce magasin, c'est plus d'une personne sur 6 qui vit sous le seuil de pauvreté relatif de 60%. C'est beaucoup. C'est presque autant que dans ma ville.
Alors oui, pour cette population, dont vous n'êtes sans doute pas d'ailleurs, voir le Nutella passer de presque 6€ le pot de 950g à moins de 1,5€, c'est une aubaine inimaginable, une occasion unique. Quand on mange du "Premier prix" à tous les repas, qu'on se nourrit des fonds de tiroirs des industriels tous les jours, bah voir un produit de luxe (car le Nutella est un luxe) à un prix où on peut se le payer, bah oui, ça a de quoi faire perdre un peu le sens commun.
Se moquer de ces personnes, c'est du mépris de classe. C'est refuser de voir et de comprendre quelle est la situation de ces personnes, pourquoi elles en arrivent là.
Oui, bien sûr que c'est ridicule de se foutre sur la gueule pour de la pâte à tartiner qui donne le cancer et qui rend "addict" (d'ailleurs ce dernier point n'est pas sans lien avec la situation). Mais ce qui est déplorable c'est bien qu'on puisse accepter qu'on laisse des personnes dans une situation qui les rend à ce point vulnérables, aliénées, consuméristes.
Qu'est-ce que ça apporte, de se foutre de leurs gueules ? De penser que ce sont des animaux ? De les mépriser au point qu'on estime qu'iels ne font que tout juste partie de l'Humanité ?
Est-ce que c'est comme ça qu'on s'unit ? C'est ça la fraternité qui est censé nous faire comprendre les problèmes des autres ? C'est ça, l'empathie ? C'est ça que notre classe sociale nous a apporté sous le nom "d'esprit critique" ?
Peut-être qu'au final, ce qui fait du bien à ces personnes c'est de manger du Nutella, et ce qui nous fait le même bien c'est de se foutre de leurs gueules ?
En quoi est-ce qu'on est différents, au final, alors ?
Et les bourgeois, les riches, les puissants, les capitalistes, ce qui leur fait du bien, c'est de nous voir nous moquer les uns les autres de situations qu'ils ont créé et dont ils profitent. Tant qu'on le fera, ils n'auront rien à craindre. Ah, ça, c'est sûr qu'on est bien supérieur à des bouffeurs de Nutella, hein ?
(Source : INSEE, principaux indicateurs sur le revenu et la pauvreté 2014 : https://insee.fr/fr/statistiques/3126432)
J'ai entendu parler, malgré ma déconnection estivale, de la jupitérienne idée de sucrer 5€ aux APL pour boucler le budget (aux dernières nouvelles, il semblerait que ce soit une géniale idée de Valls, mais n'exonérons pas Macron aussi vite pour autant). La polémique a donné l'occasion au blog "Une heure de peine" de faire un article sur le sujet de l'argent des pauvres, finalement bien plus polémique celui de l'argent des riches...
Les gens comme Larraine vivent avec tellement de limitations différentes qu'il est difficile d'imaginer la quantité d'efforts, de contrôle de soi et de sacrifices qui leur permettrait de sortir de la pauvreté. La distance entre la pauvreté écrasante (grinding poverty) et une pauvreté à peine plus stable peut être si importante que ceux qui sont tout en bas n'ont que peu d'espoir de s'en sortir même en comptant chaque centime. Alors, ils choisissent de ne pas le faire. A la place, ils essayent de survivre avec un peu d'éclat (survive in color), d'adoucir la souffrance avec du plaisir. Ils fumeront un petit joint, ils boiront un petit verre, feront quelques paris ou s'achèteront une télévision.
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Ce sur quoi insiste Matthew Desmond, et bien d'autres chercheurs, c'est que ces dépenses ne sont pas la cause de la pauvreté : tout au contraire, elles en sont la conséquence. C'est parce que l'on a si peu que tout utilisation vertueuse de son argent, toute tentative d'accumulation, d'épargne, de sauvegarde est vouée à l'échec. Ou plutôt demanderait des sacrifices si importants et si incertains qu'il est beaucoup plus rationnel de ne pas les faire : il vaut mieux se faire un festin de homard aujourd'hui, quitte à avoir faim tout le moins, plutôt d'avoir faim pendant plusieurs années pour pouvoir, peut-être, si la conjoncture et la providence le permettent, si l'on ne se fait pas voler ou tuer avant, si l'on ne tombe pas malade, et si l'on trouve comment faire, stabiliser un tout petit peu sa situation... C'est l'une des discussions centrales d'Evicted, même si elle est éparpillée entre les chapitres et les notes de fin : Matthew Desmond démonte sciemment les arguments autour de la "culture de la pauvreté", l'idée selon laquelle les pauvres seraient pauvres parce qu'ils auraient certains comportements particuliers. Il insiste sur le fait que "la pauvreté, c'est la pauvreté", autrement dit que la situation économique à elle seule permet de comprendre ce que font les individus, qu'elle est une cause avant d'être une conséquence, qu'on n'a pas besoin de la théoriser en lui adjoignant une "culture"... Et que, finalement, si chacun d'entre nous se retrouvait à vivre comme les plus pauvres, il ferait probablement pareil.
"Les pauvres, c'est que des feignasses qui n'ont qu'à travailler !"
"Coupez leur les allocs !"
Si seulement c'était aussi simple... Je repense au shaare de Kevin sur le rêve et le fascisme (la flemme de chercher le lien, désolé), c'est un peu la même chose tout le temps en fait : la vérité, c'est compliqué, c'est mouvant, c’est insaisissable, ça se résume rarement en une phrase et ça n'offre que peu de prise aux raccourcis.
Je viens de tomber là dessus.