Le corps expéditionnaire français, fort de quelque 15 000 hommes de nombreuses nationalités, avait sous-estimé la puissance de feu de ses ennemis, nourrie par l'installation, sur les collines surplombant le camp retranché, de canons transportés en pièces détachées sur des centaines de kilomètres dans la jungle, parfois à vélo.
Alors les "nombreuses nationalités", c'était les enrôlés des colonies hein, notamment sénégalais et algériens. Des colonisés pour aller foutre sur la gueule d'autres colonisés, et se faire massacrer pour un pays qui n'était pas le leur, dans un conflit où ils n'avaient absolument rien à gagner. Je ne dis pas qu'il n'y avait aucun blancs de métropole (mon grand-père y était, il a eu la "chance" -il a failli crever- de chopper un truc et d'être rapatrié avant Dien Bien Phu ; je regrette qu'il soir mort si jeune, je n'ai jamais pu en parler avec lui - notez qu'il n'aurait peut-être pas voulu), mais le gros de la troupe, c'était des colonisés.
Pour la sous-estimation de l'adversaire et la grossière erreur stratégique, je vous renvoie au livre d'Eric Vuillard cité ici : des gradés hautains qui méprisaient autant leurs troupes que l'adversaire. Ils sont toujours là, et quand ce sera à refaire ils referont tout pareil.
Le fait d’être écrivain « tout court » (sans étiquette) reste pour elle, en France, l’apanage d’écrivains français blancs et de sexe masculin. « Dans ce qui reste un bastion masculin », la qualité littéraire est jugée, « l’universel » est pensé à partir de représentations masculines.
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Beaucoup d’encre a coulé, notamment autour de la parution du Manifeste pour une littérature monde en français, sur la distinction problématique entre « littérature française » et « littérature francophone » : la littérature française est généralement pensée comme ne faisant pas partie de la littérature francophone, ce deuxième ensemble regroupant la littérature en français produite hors de France mais aussi par des écrivains de nationalité française mais pas de l’hexagone, voire des écrivains « hexagonaux » perçus comme ayant des appartenances multiples. L’œuvre d’auteurs d’origine antillaise, d’autrices ou auteurs noirs comme Marie NDiaye, ou la littérature « beur » ou ¡« de banlieue », ont ainsi pu être rangées dans la catégorie « francophone » plutôt que « française ».
Oh, ça a l'air intéressant ça. Noté.
Réunissant plus de deux cents cinquante chercheuses et chercheurs issus du monde entier, ce livre nous invite à regarder la colonisation française en face, avec les yeux des colonisés et des colonisateurs. Les meilleurs spécialistes mettent à notre disposition une connaissance profondément renouvelée de la domination coloniale, de ses formes parfois surprenantes, de ses effets dévastateurs, de ses limites longtemps ignorées, ainsi que de ses rémanences actuelles.
Dans une époque tout entière dominée par les questionnements identitaires et les affrontements mémoriels, ce livre collectif restitue de manière lucide, accessible et passionnante, la grande diversité et la complexité des situations coloniales en Afrique, en Asie, en Océanie et dans les Amériques.
De la colonisation est née une histoire à la fois riche et violente, tissée d’innombrables échanges, qui fait de nous ce que nous sommes. Colonisés et colonisateurs ont été à la fois liés et transformés à jamais par cette expérience qui retrouve ici toute sa place – à bien des égards centrale – dans l’histoire de France.
Pour déjouer les évidences et répondre aux interrogations contemporaines, cet ouvrage part du présent et remonte le fil du temps jusqu’aux sources méconnues du passé dit « précolonial ». En inscrivant le fait colonial français dans le temps long – du XXIe au XVe siècle – des relations entre la France et le reste du monde, cette histoire globale en appréhende les continuités, les ruptures et les singularités. Ainsi peut-être comprendrons-nous mieux qui nous sommes.
Derrière la remise en cause de l'obligation vaccinale se cache la remise en cause du discours officiel, surtout s'il vient de Paris. "Pourquoi ? Vous savez, nous, Français de Guadeloupe, nous avons vécu le scandale du chlordécone, rappelle le député Olivier Serva. C'est l'Etat qui, il y a une vingtaine d'années, nous a dit que cet insecticide ne poserait aucun problème. Finalement, cette molécule a empoisonné nos terres, nos mères, a donné des cancers à nos hommes, à nos femmes, a créé des malformations et ceci pour 600 ans. C'est une expérience qui conduit à une méfiance de la parole de l'Etat."
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En appelant à poursuivre le mouvement de contestation, samedi, l'UGTG a soutenu que cette mobilisation traduisait "la profondeur des souffrances, des inégalités, de la pauvreté et de l'exclusion subies par la population". Un constat que ne réfute pas le président de la région : "Nous avons plus de quarante ans de retard par rapport à l’Hexagone concernant notre développement économique", résume-t-il
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Il y a une sorte d'indifférence de l'Etat, qui ne comprend pas." Des propos qui font écho à ceux d'un manifestant rencontré près du Gosier : "Dans ce quartier, il n'y a pas d'électricité ni d'éclairage public depuis six mois. Depuis des années, il y a des coupures d'eau pendant parfois une semaine. (...) Et en face, l'Etat n'existe pas. Nous sommes livrés à nous-mêmes."
Évidemment, c'est tellement plus simple de regarder tout ça de très loin, de très haut, avec un regard de bobo parisien paternaliste. Les Antilles (et Mayotte), ce sont nos dernières colonies... et elles sont traitées comme telles : leurs habitant·e·s sont considéré·e·s comme des citoyen/e/s de seconde zone.
"Ce sont des rapts d'enfants qui ont été organisés par l'Etat et mis en œuvre avec le concours de l'Eglise. Le principe était de soustraire l'enfant métis à toute influence de la mère", accusent les cinq plaignantes métisses âgées aujourd'hui de 70 à 74 ans. Certaines d'entre elles sont nées de père déclaré inconnu, alors qu'il ne l'était pas, sur fond de séparation stricte entre Blancs et Noirs.
C'est abject la façon dont on passe pudiquement sous silence le fait que ces enfants sont vraisemblablement nés suite au viol de leur mère.
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En avril 2019, la Belgique, ancienne puissance coloniale au Congo, avait présenté ses excuses "pour les injustices et les souffrances endurées par ces enfants métis". Des excuses qui n'ont pas suffi à calmer les douleurs de ces milliers d'enfants qui ont vécu un calvaire parce que leurs mères étaient Noires et leurs pères étaient Blancs. Une page sinistre de l'histoire coloniale belge, qui a été longtemps ignorée.
Petite correction qui aura sans nul doute échappée au regard vigilant des correcteurices du journal : l'histoire coloniale belge n'a pas de "page sinistre". Elle est sinistre de bout en bout. L’histoire coloniale tout court, oups, c'est fou comme on a vite fait de faire des raccourcis.
« Pas de portrait de lui, même pas à l’Hôtel de Ville de Paris qui collectionne, pourtant, portraits et statues de ses anciens maires ; pas de trace de son existence dans la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, ni dans les ouvrages qui évoquent « ces Noirs qui ont fait la France », etc. Severiano de Heredia a été une victime – je ne sais si centrale ou collatérale – de la politique coloniale de la France en Afrique, et de la persistance d’un état d’esprit colonialiste chez nous, même après l’étape dite de la « décolonisation » ».
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« Severiano de Heredia a été oublié parce que Noir. Sa tombe refermée, l’ex-ministre est aussitôt mis sous le boisseau dans la patrie qu’il avait choisie et servie de façon admirable. Lui, l’étranger né aux colonies, lui, l’étranger descendant d’esclave. La subite dégradation de son image, puis sa disparition totale, ont été la conséquence inéluctable des méfaits du racisme et du colonialisme. La République a été son tremplin, le colonialisme son tombeau. La ville de Paris s’honore de se reconnaître en lui. »
Ils disent comment les autres affreux, déjà ? Qu'on ne va pas réécrire l'Histoire ? Je suis d'accord. On pourrait peut-être commencer par l'apprendre.
Force est de constater que les vieilles logiques impérialistes sont immuables, et que les corps des étrangers et “colonisés de l’intérieur” continuent de servir, à l’image des rats de laboratoires, de cobayes pour tester les jouets de la grande industrie de mort avec laquelle les États capitalistes aiment faire affaire.
L'Etat vient d'homologuer un nouveau type de flash-ball ; savez-vous où le test grandeur nature de ce nouveau joujou répressif va être fait ?
En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Entre deux referendums sur l’indépendance, c’est plutôt subtil de la part de l’Etat français d’envisager de tester une nouvelle arme en terrain colonisé :
De la même manière que les principes de la guerre contre-insurrectionnelle expérimentée en Algérie entre 1955 et 1957 ont été exportés au sein de la police de métropole au cours de la décennie suivante, notamment dans les banlieues à l’encontre des nord-africains métropolitains ;
De la même manière que la police coloniale britannique a expérimenté l’usage des premières armes “sublétales” dans les colonies anglaises de Hong-Kong, Singapour ou d’Irlande du Nord ;
De la même manière que l’armée américaine a expérimenté l’usage de certaines armes sublétales (Active Denial System, Long Range Accoustic Device, stun guns) contre les populations civiles rebelles au cours de sa croisade impérialiste en Irak ;
De la même manière que l’usage du Flash Ball (1995-2002), du LBD (2005-2007) et de la grenade de désencerclement (2003-2005) a été d’abord expérimenté dans les banlieues françaises avant d’être généralisé à toutes les manifestations publiques ;
Qui connaît vraiment l'histoire du drapeau tricolore algérien ? Il est de toutes les manifestations qui défient le pouvoir de Bouteflika, mais l'étendard vert, blanc, rouge est surtout à la racine du massacre de Sétif, le 8 mai 1945.
Le 8 mai 1945, c'est ça :
Une atmosphère de terreur pèse toujours sur Sétif et sa région et il est difficile de trouver des interlocuteurs. De leur côté, les autorités militaires et administratives tentent, par tous les moyens, d’empêcher Michel Rouzé et ses amis de prendre des contacts et même de poursuivre leur enquête. Ils découvriront cependant la terrible réalité: les massacres de dizaines de milliers d’hommes et de femmes, l’existence de milices européennes qui se sont attribué le droit de vie et de mort sur les Algériens, qui tirent au revolver sur n’importe quel gamin “indigène” passant dans la rue et paraissant "suspect". Ils apprendront aussi l’installation à Héliopolis, sur ordre du sous-préfet de Guelma, André Achiary, de fours crématoires, pour brûler les cadavres.
Je recite la citation :
Juste pour dire, ceux qui tiennent ses propos [sur le communautarisme] , c'est parfois également et aussi indécent que ça puisse paraître ceux qui vivent dans nos pays d'origines, entourés de haies de 4m de haut et parfois de barbelés, dans des quartiers ou l'on ne parle que français
J'ai habité au Maroc, j'y ai passé ma terminale dans un lycée français
Tous les français du lycée vivaient dans des ghettos bIancs, dans d'immenses baraques exploitant plusieurs domestiques pour des salaires de misère, ne sortant jamais de ces quartiersAucun de ces français ne parlait arabe, pas même ceux qui était nés là bas. Pire encore, personne ne faisait l'effort d'apprendre, et presque tous s'impatientaient voire s'énervaient quand les locaux ne comprenaient pas leur français
Quasiment tous étaient de droite, la plupart avaient de forts relents d'islamophobie et voyaient les locaux comme des autochtones un peu stupides mais gentils. Qu'on ne s'y méprenne pas : les "expatriés" n'échappent pas à l'appellation d'"immigrés" sans raison. Ce sont des colons
«George Orwell disait des humains vivant hors d’Europe, de l’Amérique du Nord et de quelques pays privilégiés d’Asie qu’ils étaient des non-personnes », écrit André Vltchek dans l’avant-propos. Tel est le fil conducteur de ce livre, où l’on évoque des millions de morts par lesquels la conscience occidentale n’a pas été marquée: «non-personnes» des colonies, puis du tiers-monde, victimes de la poursuite occidentale du pouvoir, des ressources et du profit, tuées et rendues insignifiantes.
Dialogue entre Noam Chomsky et André Vltchek sur le double standard des morts du point de vue occidental.
La répression du Printemps de Prague par Moscou, en 1968, a marqué durablement les esprits de l’Occident comme une tragédie terrible: elle a fait 70 à 90 morts. Trois ans plus tôt, le «coup d’Etat commandé par Washington» contre l’Indonésie de Soekarno, pays coupable d’avoir attrapé «le virus du développement autonome», a été suivi de massacres faisant, selon les estimations, entre un demi-million et trois millions de victimes. On s’en souvient moins.
Merci Kevin.
Cet article m'a fait penser à Terre d'ébène d'Albert Londres. Autre continent, quelques décennies plus tard, (autre type de narrateur aussi, plus bourgeois, pas révolutionnaire), mais même constat : l’accaparement des richesses, l'exploitation de la population, considérée comme une main d’œuvre jetable.