Au lieu de la division binaire, les sondages suggèrent plutôt que les « europhobes » et les « europhiles » convaincus ne sont que les minorités extrêmes d’une opinion qui oscille entre au moins trois attitudes : ceux qui pensent que l’Union a plus d’avantages que d’inconvénients, ceux qui pensent le contraire (chaque groupe est au-dessous de 40%) et ceux qui jugent qu’il y a autant d’avantages que d’inconvénients. À l’arrivée, l’opinion positive et l’opinion négative globales sont à égalité, mais la volonté de sortie est très minoritaire. Telle est la réalité : elle n’est pas et elle ne sera pas univoque, en tout cas pour longtemps.
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Alors que la nation était promise à la disparition progressive, il y a quelques décennies à peine, nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’un monde que le politologue Bertrand Badie désigne justement comme « néo-national ». En soi, cela pourrait n’avoir rien d’inquiétant : tout esprit national n’implique pas sa perversion chauvine. Mais, précisément, l’air du temps est aussi à la dominante d’un véritable « néo-nationalisme », et pas seulement en Europe. Tout discours « national » s’enchâsse aujourd’hui dans cette dynamique, au risque d’être dévoré par elle. Lordon déteste le « mondialisme abstrait » ; mais jusqu’où peut conduire le « nationalisme concret » que l’on opposerait à lui ?
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Lordon a l’habitude de dire que la sortie de l’Union est d’autant plus nécessaire que c’est l’Europe communautaire qui a imposé le cours néolibéral de nos sociétés. Il sous-entend que cette sortie permettra de contester cette imposition. Je ne pense pas comme lui, et d’abord pour une raison historique : c’est parce que le mouvement ouvrier et les forces les plus démocratiques ont été nationalement battus, y compris en France, que la vague libérale a déferlé sur notre continent, et pas l’inverse. L’offensive néoconservatrice avait de solides bases nationales, qu’aucune configuration nationale des classes, aucune tradition démocratique, aucun dispositif local des gauches politiques n’a été en mesure de contrecarrer. Penser qu’il suffit de sortir du cadre de l’Union pour relancer la grande contestation sociale et dégager la nation du cadre ultralibéral est une illusion. D’une certaine manière, ce que propose Lordon relève d’un « nationalisme abstrait ».
via Riff
Il y a quelques semaines, nous apprenions la venue à Trappes de Lorànt Deutsch le 4 novembre 2016. Il est prévu que M. Deutsch se produise dans la salle de spectacle de la Merise, pour parler d’Histoire de France aux élèves de Quatrième des trois collèges de Trappes.
Cet événement est une initiative du salon Histoire de lire de Versailles appuyée par M. Bédier, président du Conseil départemental des Yvelines. Cette intervention de M. Deutsch nous a d’abord été présentée comme une simple proposition, que nous avons déclinée. Les pressions exercées conjointement par les organisateurs et par l’inspection pédagogique régionale d’histoire-géographie sur les chefs d’établissement démontrent clairement qu’elle est en réalité obligatoire.
Après la visite de Dimitri Casali au Val Fourré le 2 novembre 2015, organisée par les mêmes personnes et au nom des mêmes motifs, la venue de M. Deutsch à Trappes n’est que la conséquence de l’idée selon laquelle les élèves des quartiers populaires du département, d’ascendance immigrée récente, ne seraient pas assez attachés à la République. L’urgence serait de leur faire aimer la France et la République, et le seul moyen pour y parvenir serait de les divertir et de les émouvoir dans une Histoire de France présentée sous la forme d’un roman national.
Pouah. Saloperie.
A propos de Dimitri Casali, si vous aviez raté un épisode : http://sammyfisherjr.net/Shaarli/?od9Baw
Et pour Deutsch : http://sammyfisherjr.net/Shaarli/?searchtags=Lorant_Deutsch+
A propos de http://sammyfisherjr.net/Shaarli/?EOTQIA : Riff arbitre : un partout, la balle au centre ! :)
J'aime beaucoup ta synthèse, et les remarques sur le nationalisme et les questions d'identité au sens large. Ça m'évoque plein de trucs, en vrac :
Passez moi le micro siouplait : Hum, hum... LE FRONT NATIONAL EST UN PARTI D'EXTREME DROITE !
Merci.