Vous souvenez-vous de la carte des lieux de pouvoir parisiens dont je me faisais l'écho le 6 décembre dernier ?
Eh ben elle n'a pas plu aux éditocrates de la glorieuse presse française.
Mais pas du tout.
C'est peut-être parce qu'ils habitent au même endroit ? Allez savoir.
Jamais les grands pontes du journalisme dominant ne se seront autant intéressés à une publication du Monde diplomatique. Et c’est dans un concert fracassant d’indignations (et d’insultes) que certains ont accueilli la republication de la carte parisienne des lieux de pouvoirs.
Florilège : "irresponsable", "blogs de caniveau", "torchon dogmatique", "bande d'abrutis", "imbéciles", "immonde monde diplomatique"... "un véritable guide pour les incendiaires"
Au prétexte que des manifestations émaillées de violence se tiendraient dans Paris, republier une simple carte des lieux de pouvoir parisien (montrant essentiellement leur proximité géographique) serait ainsi devenu « irresponsable ». Mais la publication n’est devenue « irresponsable » que lorsque son contenu a été perçu comme un outil entrant en résonance avec les volontés de certains manifestants (cibler les lieux de pouvoir et se rendre à l’Élysée). En d’autres termes : dans certains contextes de tension sociale, il conviendrait de ne pas publier les informations jugées « dangereuses » (par certains éditorialistes) pour les institutions. Corollaire : la « responsabilité journalistique » reviendrait à adopter systématiquement le point de vue du maintien de l’ordre : dénoncer les violences (des manifestants) ou s’alarmer devant les « attaques » des « symboles de la République » (comme l’Arc de Triomphe). Jusqu’à parfois se reconvertir en porte-parole du gouvernement ou de la préfecture. Bien sûr très orientés, ces raisonnements instrumentaux et autres refrains sur la « responsabilité » en disent long sur la connivence existant entre les agendas médiatique et politique.
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Loin d’être anecdotiques, ces réactions, au choix indignées ou haineuses, en disent long sur la panique qui anime les hautes sphères médiatiques depuis la mobilisation des gilets jaunes. Et sur leur mépris de classe. Comment une carte des lieux de pouvoir parisiens (dont on peut toujours discuter la méthodologie) devient-elle un « appel à la haine » ou au « lynchage », voire une série d’indications à destination des « casseurs » ? Comme s’il fallait veiller à ne surtout pas renseigner ces « gueux », incapables de trouver par eux mêmes des informations par ailleurs publiques.