Vas-y colle des uniformes au gamins on va voir si ça les empêche de balancer des pavés 😠 Moi qui suis tellement calme et d'une catégorie sociale aisée, ça me donne tellement envie de tout cramer.
Je me reconnais tellement... Mais on nous tient par le fait qu'on a quelque chose à perdre (Cf.). Le risque qu'ils courent avec les gamins que tu cites, et la société d'une manière générale, c'est que de plus en plus de gens n'auront plus rien à perdre...
Selon des notes confidentielles que nous avons pu consulter, le service central du renseignement territorial redoute une radicalisation de la contestation sociale à l’issue du confinement.
On ben, on se demande bien pourquoi ?
Oh, ils font les questions et les réponses, c'est rigolo :
les agents du service central du renseignement territorial (SCRT) alertent sur le risque d'embrasement de la contestation sociale à la sortie du confinement. « Le jour d'après est un thème fortement mobilisateur des mouvances contestataires, lit-on dans ces analyses datées du 7, 8 et 9 avril. Le confinement ne permet plus à la gronde populaire de s'exprimer, mais la colère ne faiblit pas et la gestion de crise, très critiquée, nourrit la contestation. »
Nous avons été voir Discours à la Nation hier soir.
C'est une grosse claque dans la gueule. C'est très drôle, mais d'un humour cynique, grinçant, qui tape là où ça fait mal. C'était parfois tellement juste que je ne pouvais pas rire : c'est une description à peine métaphorique du monde dans lequel nous vivons. Certains passages laissent un drôle de goût amer, comme une fugace envie de pleurer ; ça fait mal de se faire rappeler que l'on est à la fois victime d'un État, d'une société organisée pour pérenniser les rapports de force et les dominations (un des thèmes essentiels de la pièce), et à la fois oppresseur en tant que privilégié (l'autre thème du spec-tacle).
Car tout tourne autour de ça : la domination et les privilèges. Avec des petites histoires à peine symboliques, où se devinent, très transparentes, de multiples allusions à notre société. "Notre société", ce n'est pas la France (l'auteur est italien) : c'est la France, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne... en un mot l'Occident capitaliste où les dominés ont capitulé. Il est question de pluie -il pleut tout le temps dans ce pays imaginaire- et des hommes qui ont des parapluies, et de ceux qui n'en ont pas. Alors les hommes qui ont des parapluies consentent à accepter que les hommes sans parapluie s'abritent sous leur parapluie. Enfin, pas exactement sous leur parapluie, mais plutôt sous leurs pieds. Comme ça, quand l'homme qui est sous le parapluie mange du pain, ils peuvent lécher les miettes par terre. Quand il fume une cigarette, ils peuvent récupérer le mégot. Gratuitement. Et quand il baisse son pantalon pour chier, ils se prennent un peu de merde sur la gueule, mais on ne peut quand même pas tout avoir dans la vie. Et les hommes qui ont des parapluies ont aussi des fusils, pour se protéger des hommes sans parapluie qui n'ont pas pu trouver de place sous les pieds d'un homme qui a un parapluie. Et ceux ci (les hommes sans parapluie) sont très nombreux. Ils sont bien plus nombreux que les hommes qui ont un parapluie...
Il est aussi question des "camarades" qui ne croient plus en la révolution, de comment ils se sont fait... avoir par les dominants, comment ils ont ont accaparé le discours des faibles (lutte des classes etc.) pour le retourner contre eux.. Comment ils sont devenus dociles pour avoir leurs miettes, leur coin de parapluie. Comment la carotte petit salaire pour avoir une petit emprunt pour acheter une petite maison, est bien efficace que toutes les répressions. La carotte et le bâton, ça aussi ça revient souvent dans le texte.
Chaque personnage interprété par l'acteur incarne une facette différente de la farce-oppresion : le politicien, le financier, le patron... tous sans scrupules, sans remords, expliquant sans vergogne comment ils nous baisent, et comment ils comptent continuer encore longtemps. "Vous nous avez déçus... camarades ! Si nous avions su que vous étiez aussi faibles, nous vous aurions frappés moins fort"
Tout ceci est avant tout une satire, c'est drôle même si, je l'ai dit plus haut, j'ai parfois eu du mal à rire tant j'avais la gorge serrée. C'est de l'humour qui veut donner à réfléchir ou plutôt non, c'est un essai féroce qui donne de temps en temps à rire pour ne pas trop désespérer son spectateur. Il y a des passages irrésistibles, dont un directement inspiré de Swift, qui conseille de manger les immigrés, les chômeurs et les vieux, ce qui résoudrait pas mal de problèmes. Le spectacle s'achève sur le discours d'un politicien, qui répète son antienne "Citoyens, ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est MOI qui vous ai choisis" ; se terminant en apothéose avec la parabole du loup, de la chèvre et du chou revisitée : faites traverser le chou. Puis retournez chercher la chèvre. Faites la traverser. Tournez les épaules. La chèvre va bouffer le chou. Vous aurez les voix de la chèvre. Retraversez avec la chèvre, déposez la à côté du loup. Tournez les épaules... [rires dans la salle] Vous aurez les voix du loup. "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est MOI qui vous ai choisi ! Vous êtes tous des loups. etc." Et ce passage là, il fait très mal, car derrière la drôlerie, il est d'une violence extrême. Nous sommes tous des nazis en costume-cravate, nous sommes tous des loups qui préférons manger la chèvre pour rester dans la majorité.
Tout ceci est adapté d'un livre de Célestini : http://www.leseditionsnoirsurblanc.fr/discours-a-la-nation-ascanio-celestini-9782882503398
que l'on sent inspiré par Gramsci https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Gramsci http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/KEUCHEYAN/47970 cité dans le spectacle, dans un monologue décalé à l'intérieur du discours d'un patron (celui qui dit "camarades vous nous avez déçu")
Le comédien, David Murgia est génial http://www.liberation.fr/theatre/2015/01/04/david-murgia-reveilleur-d-ames_1173767
Quelques photos ici : http://www.tdb-cdn.com/discours-a-la-nation
Des extraits ici : https://vimeo.com/67876277 et là : https://www.youtube.com/watch?v=yfKPeqWNsjg (sans garantie, Viméo et Youtube étant bloqués par mon PALC)
Et comme vous avez eu la patience de lire jusqu'ici, vous pouvez téléchargez le podcast du spectacle sur France Culture : http://www.franceculture.fr/emission-fictions-theatre-et-cie-discours-a-la-nation-2015-01-18