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La France de Vichy

vendredi 17 janvier 2025, par Sammy

Ça devait faire, attendez que je calcule, 24 ou 25 ans que j’avais ce bouquin. Ça doit nous ramener aux alentours du procès Papon.

On ne va pas y aller par quatre chemin : c’est un bouquin indispensable, surtout aujourd’hui, où le discours du Front National, parti fondé par des nazis, est banalisé, globalement accepté par tous les partis. Surtout aujourd’hui, où la vérité historique et la vérité tout court sont partout battues en brèche sous couvert de liberté d’expression.

La thèse centrale de ce livre publié en 1972, largement démontrée et étayée par les archives auxquelles l’auteur avait pu avoir accès à l’époque [1], c’est que la Collaboration n’a pas été imposée à la France par les autorités allemandes, mais que le gouvernement français a pris les devants, faisant le calcul que, dans le nouvel ordre mondial qui résulterait de l’après-guerre, et pour eux cela ne faisait aucun doute que ce serait un monde dominé par l’Allemagne nazie, il vaudrait mieux être du côté des vainqueurs.

Sauf qu’ils se sont trompés de vainqueurs. Quand bien même, et cela revient à plusieurs époques de la période étudiée, Hitler n’en a jamais rien eu à carrer des délires des petites fascistes franchouillards. Pour lui, la France devait être à genoux, réduite au rôle de grenier à blé pour l’Allemagne, ainsi que de pourvoyeuse de main d’œuvre et de productions industrielles.

Paxton s’attache en outre à décrire comment l’État français était aussi l’instrument de la revanche d’une certaine droite contre le Front Populaire, l’école laïque et le syndicalisme. La fameuse Révolution Nationale prônée par le régime, où sont mis en avant une idée, déjà périmée à l’époque, d’une France paysanne et catholique et d’un travail organisé en corporations façon guildes médiévales.

Il démontre au passage que Pétain n’était ni le défenseur cryptique de la France et des juifs que certains se sont complus à imaginer [2], ni le vieillard sénile manipulé par son entourage que d’autres ont voulu mettre en scène. Il a été au centre du système, tout au long de la vie de ce régime, n’hésitant pas à limoger le président du conseil et à assumer tous les pouvoirs, ses interlocuteurs, français comme allemands, rapportant sa bonne forme et sa lucidité.

Pas forcément une lecture agréable, mais je le répète : indispensable.


[1Il a, lui, l’honnêteté intellectuelle de signaler ses erreurs dans les mises à jour de son livre ; cela étant, elles sont rares, dans la plupart des cas, l’ouverture de nouvelles archives lui a donné raison.