Accueil > Livres & co. > Et au milieu coule la Blackwater

Et au milieu coule la Blackwater

lundi 6 janvier 2025, par Sammy

J’ai mis à profit les vacances d’été 2024 pour lire cette série de 6 livres. Pour faire très concis, c’est une saga familiale horrifique. En plus long : l’histoire a pour cadre le sud des États-Unis, dans la première moitié du XXème siècle. Si en France, tout finit par des chansons, à Perdido, tout finit, et tout commence, par des inondations. Et en 1919, celle de la Perdido, rivière qui a donné son nom à la ville, ouvre le récit en recouvrant jusqu’au premier étage les maisons, détruisant les baraques du quartier noir et les scieries des trois familles les plus riches de la ville. C’est une catastrophe, mais c’est aussi un début. Oscar Caskey, héritier d’une de ces trois familles les plus riches, découvre une femme à l’étage d’une maison inondée. D’emblée, on est plongé dans le fantastique : qui est cette femme ? D’où vient-elle ?

Cette série baigne (si j’ose dire) dans le réalisme magique. A l’instar de Cent ans de Solitude, l’invraisemblable devient plausible : une famille pour laquelle le mot « dysfonctionnel » est un euphémisme, une généalogie compliquée, on échange des enfants, on croise des fantômes sans s’étonner plus que ça, et là aussi on est confronté à une pluie quasi-biblique. Sauf que Dieu n’a rien à voir là dedans, et qu’il faut plutôt chercher le (la ?) responsable du côté du marais...

C’est aussi une histoire qui s’inscrit dans le registre du merveilleux (ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas horrible). Schématiquement, on est dans le type du conte, avec un monstre qui mange les petits enfants. Littéralement. Sans trop en dévoiler, c’est l’histoire de la petite sirène revisitée façon macabre. Elle quitte l’eau, elle trouve son prince charmant... mais ça finit pas bien et il y aura tout plein de morts atroces entre le début et la fin.

Le seul petit truc qui m’a chiffonné dans cette saga, c’est ce que je qualifierais de manque de cohérence dans le lore : un monstre aquatique, ça va. Un monstre aquatique qui contrôle la pluie et provoque des accidents (aussi gores que cartoonesques) à distance, pourquoi pas. Mais ajouter des fantômes et des événements surnaturels (des bijoux qui tombent du plafond), éléments a priori sans rapport avec la diégèse, juste parce que pourquoi pas, ça m’a un peu fait tiquer.

Mais ne boudons pas notre plaisir : c’est du pulp, du feuilleton, on rigole noir comme la vase de la Perdido ; à ce titre, les couvertures sont une lecture par anticipation : à partir du tome 2, je me suis amusé à repérer les détails que l’on retrouvera ensuite dans l’histoire : un fusil, un œil crevé, des vitres qui explosent...

Je me suis interrogé aussi, pendant et après la lecture, sur la place des personnages noirs : victimes d’une ségrégation implacable mais pour autant dévoués à vie à leurs maîtres, parce que c’est dans l’ordre des choses. Est-ce un reflet de l’époque mise en scène ou un impensé raciste de l’auteur ?