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Mes lectures préférés de 2024

mercredi 8 janvier 2025, par Sammy

En 2024, j’ai tenté de faire un article pour chaque livre lu. Je n’y suis pas arrivé. En grande partie à cause d’un truc appelé travail. Si c’est pas malheureux quand même.

A part ce trivial détail, 2024 a été un grand cru en terme de lectures. Déjà, parce que j’ai beaucoup lu. Ensuite, parce que j’ai presque réussi à tenir mes objectifs en terme de livres à lire, ce qui m’a permis de faire une belle moisson, certains titres m’ayant été conseillés il y a longtemps.

A l’instar d’un article similaire de 2024, je vais tenter dans cet article de faire une sorte de top 10 un peu bancal, rappelant des articles déjà écrits, et rattrapant in-extremis des livres super dont je n’ai pas eu le temps de parler. Pas de classement dans cet article, si ce n’est (plus ou moins) celui de la lecture.

Je m’excuse par anticipation : c’est un peu long...

Becky Chambers : L’espace d’un an - Libration - Archives de l’Exode - La galaxie vue du sol (série Voyageurs)

MAIS QU’EST CE QUE C’EST BIEN BECKY CHAMBERS ! Que voulez-vous que je vous dise ? Lisez cette série le plus vite possible, ça vous mettra un peu de baume au cœur et par les temps qui courent, ça n’a pas de prix.

Je ne vais certes pas vous résumer cette série lue à cheval entre 2023 et 2024. Juste vous en communiquer la substantifique moelle. Becky Chambers m’a souvent fait penser à Ursula K. Le Guin, elle a cette même attention aux détails anthropologiques, sur le genre, le mariage, la famille, l’organisation qui diffère d’une société à une autre... On a dit beaucoup de choses sur sa SF feel-good, l’aspect inclusif de ses histoires... et c’est vrai. Ce sont des histoires inclusives, accueillantes, de vrais doudous. Mais il faudrait un peu revenir à la base : ce sont avant tout de bonnes histoires, et j’ai passé un très bon moment à lire cette série.

Emily St. John Mandel

J’ai déjà évoqué cette autrice extrêmement talentueuse dans un article cette année. Elle excelle dans tout ce qu’elle touche, transcendant les genres qu’elle emprunte pour mieux leur imprimer sa marque, son style. Vous voulez plutôt du polar ? Lisez L’Hôtel de verre ou Dernière nuit à Montréal, ou On ne joue pas avec la mort [1]. Vous voulez du post-apo ? Lisez Station Eleven. Vous voulez de la SF et des voyages dans le temps ? Lisez La mer de la tranquillité.

Ceci fait, vous vous rendrez compte de l’unité de style entre ces livres, et surtout, surtout, des connections qu’elle a tissé entre ces histoires appartenant en apparence à des genres différents. Parce que tous ses livres sont dans le même univers (que j’ai appelé le Mandelverse dans mon article et avec le recul je trouve ça assez juste, en toute modestie bien sûr), parce que le genre choisi n’est jamais qu’un prétexte, et que le polar financier inspiré de Madoff se termine sur une allusion fantastique seulement perceptible si vous avez lu La mer de la tranquillité.

Une très grande autrice.

Terry Pratchett : Le dernier héros

J’ai eu un peu peur en le commençant ce tome des Annales du Disque-Monde car il est relativement court, mais au final il s’est avéré très bon, je crois même que je peux affirmer qu’il s’agit de l’un de mes disque-monde préférés depuis que j’ai commencé à les lire.

De quoi s’agit-elle ? Cohen le barbare, que nous avions laissé dans la lointaine Aurient avec le statut enviable mais pas très palpitant de quasi-divinité, s’emmerde. Du coup, les restes de la Horde d’argent se lancent dans une dernière quête. Sera-ce la quête de trop ?

Au risque de me répéter : un tome court, mais un très très bon cru. Outre les héroïques cacochymes, l’histoire fera aussi intervenir le grand maje mage Rincevent, l’intègre capitaine Carotte et le génial Léonard de Quirm qui produira à cette occasion l’une de ses plus belles inventions.

Lupano - Salomone : L’homme qui n’aimait pas les armes à feu - Tomes 1, 2, 3, 4

J’avais commencé à lire cette série une première fois en 2016 mais je n’avais pas pu emprunter tous les tomes. Chose faite 8 ans plus tard. Je suis un garçon patient.

Le 2ème amendement de la Constitution des USA [2], celui qui autorise n’importe quel pékin à se balader en ville avec des flingues de concours et la puissance de feu d’un croiseur [3] est au centre d’une intrigue où tout tourne autour d’une lettre de l’un des pères de la Constitution, qui pourrait bien, si elle était divulguée, changer du tout au tout l’interprétation dudit amendement.

Tout cela va poser quelques menus problèmes à Maître Byron Peck, avocat d’affaires (pas plus véreux que le strict nécessaire) de son état, et mêlé à cette épopée tragi-loufoque en 4 albums, en compagnie de son ex-femme (fatale [4]) Margot et d’un géant danois aphasique ex-amant de la précédente. Statut : it’s complicated. (Mais la violence résout bien des choses).

C’est bien sûr Margot dont on se souviendra le plus à la fin de cette histoire, pas nécessairement à cause de son manque chronique de pudeur ou de scrupules, mais parce que c’est une héroïne qui gardera une part de mystère jusqu’au bout, et qu’elle se bat avec les seules armes que la société de son temps lui autorise. Et de là à y voir une lointaine parente de la marquise de Merteuil, il y a un pas que je m’autorise allégrement à franchir.

Au passage, cette série est scénarisée par Lupano, déjà rencontré à l’occasion d’un article sur les vieux fourneaux, ce qui explique bien des choses sur les thématiques.

Stéphane Beauverger : Le déchronologue

Voilà un livre qui m’avait été conseillé depuis fort longtemps, et que je suis ravi d’avoir lu cette année. Voilà aussi un livre dont il est difficile de parler sans trop en dire.

Je veux vraiment que, si d’aventure une personne venait à lire ce livre grâce à moi, elle soit prise de la même perplexité que moi, dès le deuxième chapitre. Et je vous rassure à l’avance : non, votre livre n’est pas mal imprimé. Et non, l’auteur n’a pas choisi une sorte de solution de facilité « pour faire genre ». Faites lui confiance, et lisez sans vous prendre la tête.

Alors : il y a des pirates. Et des problèmes avec le temps.
Non, pas la météo.

Stéphane Beauverger a réussi l’invraisemblable exploit de faire cohabiter dans une même histoire un récit dans le genre « cape et épée » et de la SF uchronique. Et en plus, c’est vachement bien écrit.

Irene Vallejo : L’infini dans un roseau

J’ai acheté ce livre à la braderie 2024 du Secours Pop, je suis tombé dedans, et j’ai adoré.
Comment ne pas aimer un livre qui parle des livres ? Comment ne pas dévorer un pavé qui vous fait le récit, et c’est justement là que c’est très cool, parce qu’on est pas dans le jargon universitaire, de l’histoire des différents supports écrits avant le livre, convoque des images de la pop culture pour expliquer des personnalités de l’Antiquité, et montre au final, que quelle que soit sa forme, roseau, tablette (d’argile) ou codex, le livre a toujours accompagné l’histoire de l’humanité, et souvent déplu aux puissants, qui avaient parfois des méthodes de censure assez radicales.

Margaret Kennedy : Le festin

C’est un roman à clé. Vous n’êtes pas obligé de trouver la clé, bien qu’elle soit du genre clé de porte de Fort Boyard. Bref : il y a un « truc » de construction dans ce livre, un peu comme les scènes finales de 6ème sens ou Usual suspects, qui tiennent tout le film comme une clé de voûte. Sauf que là, on sait dès le début que la falaise s’est écroulée sur l’hôtel. Alors, pourquoi lire l’histoire ? Parce que si on sait que la falaise est tombée, on ne sait pas qui est mort.

Du coup, on apprend à connaître les personnages, qui se croisent tout autour et dans l’hôtel, se découvrent, s’affrontent, s’aiment ou se détestent. C’est un de ces livres qu’on ne peut pas lâcher tant qu’on ne l’a pas terminé. Le récit alterne les supports : lettres, journaux intimes, dialogues, chaque chapitre apportant un nouvel éclairage sur tel ou tel personnage, un contrepoint à une action, un contrejour sur un portrait...

Le livre devient alors une partie de Cluedo à l’envers, où l’on connaîtrait le lieu (l’hôtel), l’arme du crime (quelques centaines de tonnes de rochers), mais pas les victimes. Ni le mobile.
Le mobile ? Il faut un mobile pour qu’une falaise tombe ?
Eeeeh... peut-être. A vous de voir...

JU-BI-LA-TOIRE.

L. L. Kloetzer : Anamnèse de Lady Star

Sans doute l’un des livres les plus bizarres et les plus cools lus cette année. Vraiment, je n’ai pas pu le lâcher, et je l’ai lu beaucoup plus vite que certains autres plus courts. C’est une histoire qui vous prend, vous entortille, vous embrouille, vous retourne le cerveau, et vous lâche comme une chaussette orpheline, mais pour autant ravie. Oui, j’ai toujours eu le goût de la métaphore approximative.

C’est un des rares livres où j’ai été obligé de revenir en arrière parce que j’avais fait fausse route dans ma lecture ; en gros, je croyais qu’on me parlait d’une personne mais en fait c’était une autre. Ça peut sembler être une critique violente, mais j’ai été ravi d’être perdu.

La livre commence comme un thriller mâtiné de fantastique (les enfants des étoiles sont parmi nous), l’intrigue se développe autour d’un groupuscule mêlant sciences occultes et suprématisme, et culmine avec le Satori, attentat monstrueux, pas tant dans son déroulement que dans ses motivations et ses conséquences, qui modifiera le cours de l’histoire de l’humanité.

Par la suite, l’intrigue s’articule autour de la traque d’un être avant tout défini par son absence... Je sais, ça parait louche, mais c’est absolument brillant. C’est un labyrinthe de papier, un poème autant qu’un thriller, une lecture suffisamment exigeante pour m’obliger à relire certains passages, une fin énigmatique et un souvenir de lecture envoûtant comme un songe qu’on ne parviendrait pas à oublier.

Un putain de chef d’œuvre.

Marguerite Yourcenar : L’œuvre au noir

Je poursuis ma découverte de Marguerite Yourcenar, après Mémoires d’Hadrien il y a quelques années et Un homme obscur - Une belle matinée l’année dernière.

Il s’agit d’une œuvre plus « romanesque », puisqu’elle raconte la vie d’un personnage inventé et non pas celle d’un empereur romain, mais encore une fois solidement ancrée dans une époque historique : il s’agira cette fois du XVIème siècle, et une prétendue « Renaissance » va en prendre un coup. Parce qu’elle n’est pas drôle, la vie de Zénon. Philosophe, médecin, alchimiste à une époque où la moindre incartade pouvait signifier votre condamnation au bûcher, par une Église catholique d’autant plus sourcilleuse sur le dogme qu’elle était en guerre contre le tout jeune protestantisme. Une œuvre foncièrement pessimiste, d’autant que Yourcenar compare l’époque de Zénon à la sienne (la Guerre froide).

Je ne vais pas me compliquer la vie, je vais reprendre les propos de Marguerite Yourcenar dans une de ses interviews [5] : Zénon, c’est l’anti-Hadrien.

Zénon est pauvre, Zénon est en fuite les trois quarts du temps, Zénon s’arrange comme il peut, se faufile à travers les difficultés, les drames et les préjugés de son temps et il est pour ainsi dire, d’avance vaincu.

Cette phrase, c’est du Marguerite Yourcenar pur jus : un peu pédante, très littéraire jusque dans sa façon de parler. Elle peut être irritante, mais elle reste une très grande dame de la littérature mondiale.

Michael McDowell : Blackwater (6 tomes)

Apparté pour celles et ceux qui avaient déjà lu cet article avant le 17/01/2025 : j’ai déplacé mon avis sur cette série dans un vrai article. Certes elle le mérite, mais largement autant que les autres livres cités ici, mais surtout ça fait gagner un peu de place...

En un mot comme en cent, je vous renvoie à mon article pour savoir tout le bien que je pense de cette sage familiale et horrifique, à mon sens adaptation libre, déjanté et sanguinolente de la petite sirène !

Merci d’avoir lu jusqu’ici ! Je vous souhaite à toutes et tous une bonne année de découvertes littéraires !


Je vais maintenant m’atteler à un article « voiture balai de 2024 ». Oui, cet article aurait pu être deux fois plus long...


[1pas encore lu en ce qui me concerne, mais c’est dans mes projets

[2« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé. »

[3vous l’avez ?

[4dans tous les sens du terme

[5Écoutez Marguerite Yourcenar interviewée par Pivot, c’est délicieux

  1. Retour sur quelques livres lus en 2023
  2. Les images d’Emily St. John Mandel