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Citizen sleeper
mardi 5 novembre 2024, par
L’un des meilleurs romans de SF que j’aie lu cette année est un jeu vidéo.
Il s’appelle Citizen Sleeper.
Dans Citizen Sleeper, vous êtes un « dormeur » : un androïde doté d’une conscience humaine. Un néo-esclave sous l’emprise d’une corporation, à laquelle vous venez d’échapper. Mais vous n’êtes pas tiré d’affaire pour autant. Vous êtes officiellement en cavale, et condamné à court terme par l’obsolescence programmée de votre corps artificiel. Le jeu commence alors que vous réveillez, dans la soute glacée d’un cargo. Vous réalisez vite que vous avez échoué dans une vaste station spatiale, dont vous découvrirez l’histoire et de nouveaux panoramas au fil de votre progression.
C’est un jeu essentiellement textuel, où l’interaction est réduite au minimum. Rassurez-vous, cela ne va pas vous empêcher de devenir accro.
Les interlocuteurs sont des images fixes, un peu comme dans un visual novel, mais ils sont dessinés dans un style différent que celui du fond (la station) sur lequel ils se détachent, dans un style cyber-punk ; et ils ont évidemment chacun leurs caractéristiques. Certains sont sympas... d’autres beaucoup moins.
De fait, beaucoup de choses passent par la lecture : descriptions, dialogues avec les différents personnages, émotions du personnage... Citizen sleeper, c’est le livre dont vous êtes le héros dont vous aviez toujours rêvé, mais avec de belles images ; mais ce n’est pas un visual novel parce que c’est réellement le joueur qui décide de l’orientation de l’histoire.
L’action se décompose en « cycles », qui sont de fait des tours de jeu, et que l’on peut voir comme autant de journées ; à chaque cycle, on peut réaliser un certain nombre d’actions, certaines dépendantes du score de dés attribués semi-aléatoirement au début du cycle, d’autres tributaires des objets trouvés ou de l’argent gagné. Et il suffit juste de faire glisser un item dans la case d’interaction et/ou de cliquer un bouton pour faire avancer l’action.
Très vite, on se retrouve au centre d’un écheveau d’obligations intriquées les unes dans les autres, où l’on doit concomitamment assurer sa survie, se montrer redevable envers plusieurs personnes, découvrir les mystères de la station ; ces 3 principaux objectifs étant, par une astuce scénaristique, étroitement dépendants les uns des autres. Le jeu est ainsi construit sur le principe du « one more turn » : à chaque tour, il y a toujours quelque chose à faire. Et vous n’aurez jamais assez d’actions (représentées par les dés) pour tout faire. D’où l’envie de faire un tour de plus, et encore, et encore un...
Chacune de vos micro-décisions va faire avancer l’histoire, à vous de vivre avec les conséquences... Ou de continuer à jouer, pour découvrir les autres fins possibles.
Si le jeu est sorti depuis 2022, sa version française n’est sortie que cette année. Et on le comprend au vu de la quantité de texte.
La sortie de Citizen Sleeper 2 est prévu pour 2025. N’attendez pas jusque là pour découvrir cette pépite !
Post-Scriptum du 26/11/2024 : Avec encore un peu plus de recul, je me rends compte qu’il y a beaucoup plus à dire que ce que j’ai écris sur ce jeu. On peut aussi le lire comme une métaphore du handicap, de la transidentité, de la pauvreté..
J’ai assisté récemment à une conférence sur le handicap invisible, où l’intervenante expliquait que vivre avec un handicap chronique, c’est comme la différence entre un portable chargé à 100% et un autre où la batterie est cassée et ne peut se charger qu’à 50%. Il faut faire des choix, au quotidien. Et c’est exactement ce que montre le personnage joué dans Citizen Sleeper.
Pour les autres thèmes, je vous renvoie à cette exc ellente critique qui dissèque le jeu pour dire tout le bien qu’il faut en penser :
https://www.gamejima.fr/test-citizen-sleeper-pour-un-monde-non-binaire/
Il aborde avec beaucoup d’humanité la question des réfugiés, de la pauvreté, de l’usage de la violence, de l’identité de genre.
Et là où c’est très fort, c’est que ce n’est pas du tout imposé au joueur. On peut très bien faire le jeu sans se sentir assailli de questions ou de problématiques lourdes.