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L’Iris blanc
jeudi 16 novembre 2023, par
J’ai lu L’iris blanc il y a deux jours.

J’ai ri comme un bossu toutes les deux pages en moyenne, parfois deux fois par page : cela faisait longtemps, très longtemps même. Depuis mon enfance et la découverte des premiers Astérix en fait. Il y a 15 jeux de mots et références par page [1] et encore, je ne l’ai lu qu’une fois. C’est assez difficile à expliquer mais dans les albums précédents, les allusions à l’actualité me donnaient l’impression de tomber à plat, j’avais confusément le sentiment que ça ne traverserait pas les années, comme par exemple les allusions à Assange ou à Twitter dans je ne sais quel album récent. Ma phrase est un aveu : certaines histoires sont éminemment oubliables [2].

Ici, les sesterces de dingue m’ont fait hurler de rire. C’est un équilibre très subtil l’humour, surtout dans une BD, et s’il est facile de crier haro sur le baudet quand ce n’est pas drôle [3], il n’est pas toujours évident d’expliquer pourquoi c’est drôle [4]. On sent que Fabcaro a apporté sa marque, son style d’humour [5] et sans doute quelques unes de ses marottes. Il réussit la pari d’être à la fois hyper-fidèle à la recette originale, tout en apportant un véritable renouveau ; comme je l’ai déjà écrit, les précédents avaient ce côté figé du vieux comique fatigué condamné à se répéter ad nauseam ; certains, comme la transitalique (2017) [6] ou le griffon (2021) avaient pris le parti du contre-pied (Obélix héros de l’histoire pour l’un, Astérix à la ramasse et les femmes combattantes aux commandes pour l’autre), et je les avais bien aimés pour ça ; d’autres, comme Le payrus de César (2015) ou La fille de Vercingétorix (2019) étant moyens, voire très faibles, pour dire les choses poliment. Je ne recite pas le juste-bien-mais peut-mieux-faire les Pictes (2013), j’en ai déjà parlé.
Pour autant, est-ce que tout va pour le mieux dans le meilleurs des villages gaulois ? Même si on ne boude pas notre plaisir, il y a quand même 2-3 trucs qui me chiffonnent.
Sur le fond, j’ai trouvé que cette histoire était à situer quelque part entre Le devin et La zizanie, dont elle reprend les principaux éléments : un élément perturbateur va s’introduire dans le village gaulois pour tenter d’affaiblir les irréductibles. Seulement j’ai trouvé que la mécanique manquait de précision. Si dans ces deux albums, Prolix et Détritus jouaient sur la crédulité (ou la rancune) des villageois pour les manipuler, on voit bien comment l’un comme l’autre installent leur emprise ; ici, Tulius Vicévertus place trois aphorismes, achète une enclume et deux poissons, et hop, il se met presque tout le village dans la poche. Bref : Goscinny était quand même très très doué pour faire une histoire beaucoup plus riche dans le même nombre de pages.

Dans les péripéties également, j’ai noté des ressemblances : la tactique employée par Vicévertus chassé du village par Astérix comme Prolix avant lui ; le one-barde-show d’Assurancetourix, grand moment de l’album par-ailleurs ; ou César qui dit aimer quand le public est content : ça aussi, on l’a déjà lu ailleurs...
La caricature elle a changé : il y a bien les bobos lutéciens, mais ça reste une caricature globale, un groupe social, pas des personnalités particulières. Wikipédia m’apprend néanmoins que dans cet album sont caricaturés Denis Olivennes, Vincent Lacoste (c’est qui lui ?) et Jean Rochefort... que je n’ai pas reconnu [7] ! Alors qu’un de mes plaisirs des relectures successives des albums uderzien-goscinnesques au fil des décennies, aura été de reconnaitre les vedettes mises en scène : Guy Lux, Laurel & Hardy, Bernard Blier, Lino Ventura... mais sans doute y suis-je attaché pour leur côté vintage, l’enfance, tout ça... [8]
Alors, on en fait quoi de cet Iris Blanc ?
On le garde par Toutatis ! Malgré mes ronchonnades, il n’est pas loin d’être à l’égal des meilleurs classiques, et le graphique ci-dessus, piqué sur Babelio, l’illustre bien, bien qu’il ait été réalisé dans les semaines suivant la sortie : on peut donc raisonnablement espérer que sa note grimpe encore.
Je n’ai rien dit sur le synopsis, mais est-ce bien nécessaire ? Avant même de commencer à le lire, je savais déjà qu’il était question de tourner en dérision les gourous de la pensée positive.
[1] Bon, disons que j’exagère un peu, mais dans les premières pages au moins, c’est un festival.
[2] Avez-vous lu La fille de Vercingétorix ? C’est l’histoire de la fille de Vercingétorix qui est cachée dans le village d’Astérix. Elle s’échappe. On la retrouve. Banquet avec des sangliers.
[3] C’est même parfois trop facile, Cf. mon article de 2014 sur le premier album de l’ère post-Uderzo.
[4] Pour cette case en particulier, je pense avec le recul que l’air consterné de César regardant Brutus, l’auteur de la phrase, contribue fortement à la joie du lecteur.
[5] J’ai commencé la lecture du Discours juste après, et on reconnait ses thèmes de prédilection. Et c’est drôle.
[6] et son désormais célèbre Coronavirus...
[7] je ne vous dit pas où il est mais franchement, même en le sachant, il n’est pas ressemblant
[8] Cela étant, Wikipédia omet de signaler la principale source d’inspiration de Vicévertus... C’est bon, vous l’avez, le mari d’Arielle Dombasle ?