Le fait d’être écrivain « tout court » (sans étiquette) reste pour elle, en France, l’apanage d’écrivains français blancs et de sexe masculin. « Dans ce qui reste un bastion masculin », la qualité littéraire est jugée, « l’universel » est pensé à partir de représentations masculines.
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Beaucoup d’encre a coulé, notamment autour de la parution du Manifeste pour une littérature monde en français, sur la distinction problématique entre « littérature française » et « littérature francophone » : la littérature française est généralement pensée comme ne faisant pas partie de la littérature francophone, ce deuxième ensemble regroupant la littérature en français produite hors de France mais aussi par des écrivains de nationalité française mais pas de l’hexagone, voire des écrivains « hexagonaux » perçus comme ayant des appartenances multiples. L’œuvre d’auteurs d’origine antillaise, d’autrices ou auteurs noirs comme Marie NDiaye, ou la littérature « beur » ou ¡« de banlieue », ont ainsi pu être rangées dans la catégorie « francophone » plutôt que « française ».
Toutefois s'attacher à vouloir faire cesser le racisme, le sexisme, l'homophobie, etc. c'est bien beau mais ce sont des minorités qui se battent chacune de leur coté pour leurs propres intérêts.
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Le problème de la lutte pour les droits des noirs, des femmes, des homosexuels ou tout autre groupe est à chaque fois le même: fondamentalement ces combats divisent et opposent au lieu de rassembler et fédérer. Quand on parle des noirs, ça oppose les blancs; quand on parle des femmes, ça oppose les hommes, quand on parle des homos, ça oppose les hétéros, etc. comme l'expose la chanson "Camps" de Jehan Jonas.
Et tout ça à partir d'une citation probablement apocryphe, et dans tous les cas hors contexte, de Morgan Freeman, le permaculteur bien connu.
Alors... hmm, non. Ça ne va pas du tout.
On va jouer ensemble : je ne vois pas un noir, je vois un homme ; je ne vois pas un musulman, je vois un homme ; je ne vois pas une femme, je vois... ah oui, merde, ça coince là.
Tellement de bons sentiments en quelques lignes, et tellement d'erreurs. Je crains de n'être pas assez compétent pour répondre.
1/ "Des minorités qui se battent chacune de leur côté"
Rien que cette phrase révèle l'ampleur de l'aveuglement de son auteur.
2/ "pour leurs propres intérêts"
Parce que quand je suis blanc, cisgenre, hétéro, valide (je rajouterais même chrétien, pour l’Occident), et aussi homme, je ne me bats pas pour mes propres intérêts ?
Attention, il y a un piège.
Eh bien non. Quand je suis blanc, cisgenre, hétéro, valide, je n'ai pas à me "battre pour mes propres intérêts", tout simplement parce que -on reste dans une vision occidentale de la chose, n'oublions pas que l'auteur considère les non-blancs comme une minorité- la société a été faite pour les gens comme moi. La société dans laquelle je nais, j'étudie, cherche un travail, me marie... perçois comme "normal" le fait d'être blanc, le fait d'être valide, le fait d'être hétéro ET cisgenre. Et perçois tout le reste comme des "minorités", avec la meilleure bonne foi du monde, et souvent avec de bonnes intentions. Sauf que les bonnes intentions, ça ne suffit pas.
3/ "Diviser pour mieux régner"
J'aimerais bien que ce soit ça, que ce soit une stratégie des possédants/dominants pour diviser leurs adversaires. Seulement, t'as écouté Manu hier soir ? Dans son passage sur l'actualité hors-Covid, il a dit à peu près : le racisme c'est caca, mais celles et ceux qui se battent contre sont d'affreux communautaristes (avant d'ajouter : la police française fait un excellent travail, hashtag cœur, hashtag amour). Ce ne sont pas les opprimés qui "divisent pour mieux régner", mais les dominants. Mais l'emploi de cette expression est assez révélateur de tout l'informulé de la pensée de son auteur. Le refoulé même.
4/ Orienter la lutte vers les causes premières. (Il dit qu'il voit pas le rapport)
A la base, j'aurais dû être d'accord. Mais au vu de tout ce qui précède, j'ai du mal. Oui, il faut en finir avec le capitalisme. Mais je ne suis pas certain que le sexisme soit une maladie de capitalisme. Je n'ai pas vraiment l'impression que les communistes soient moins sujets au racisme que la classe propriétaire des moyens de production. J'ai un gros doute sur le lien de causalité entre la transphobie et un système économique prônant l'accumulation du capital.
Je le recopie ici tellement c'est fascinant de bêtise et d'égoïsme :
Si une pensée humaniste nous amène à considérer comme une amélioration que les noirs soient moins tués et harcelés dans nos sociétés, on peut se demander à quoi ça va servir quand dans quelques décénnies les conditions propices à la vie telle qu'on la connait auront disparu de la planète.
5/ Conclusion
Une fois encore, on se trouve devant de la pensée, prête à mâcher, prête à servir, en mode réponse à tout. De la vraie saloperie, où l'auteur, du haut de sa bien-pensance, balaie d'un revers de main les petites luttes mesquines des femmes, des personnes racisées, des dominé·e·s de toute espèce d'un "argument" massue : "ah ah, quand la planète sera détruite, vous serez bien avancé·e·s avec vos petits combats égoïstes, qui ont divisés au lieu de fédérer."
Comme si on ne pouvait pas se battre POUR l'écologie, POUR l'égalité des droits (femmes, personnes racisées, personnes en situation de handicap, religions minoritaires, LGBTQ etc.), et CONTRE le capitalisme, tout ça EN MÊME TEMPS. Nan, nan, faut choisir ton combat, choisir ton "camp", et "plus moyen d'en sortir".
(c'est le préfet Lallement qui a écrit les paroles ? Ça ne m'étonne pas qu'il soit poète, un homme d'une telle sensibilité)
Allez, encore une couche parce que bon. Et puis j'ai faim.
J'ai été lire la post d'origine du HV. Je passe sur les citations hautement philosophiques tirées de Harry Potter ou des Pokémons, j'ai faim j'te dis. Mais je pense que la philosophie a perdu un maître, jdçjdr. Non, ce qui me pousse à réagir, c'est cette phrase :
Heureusement, rien de tout ça n’interdit d’être simplement gentil avec les autres ou ne constitue ni une excuse ni une raison à se comporter comme un connard.
Je me suis déjà exprimé sur le fait d'être "gentil" ICI, je ne vais pas recommencer. Ou alors juste pour dire que ça va encore dans le sens de ce que je viens d'écrire : tout le monde doit être gentil, mais bizarrement, surtout ceux à qui la vie chie dans la bouche et auxquels la société refuse une brosse à dents. Merde, manquerait plus qu'ils mordent ces cons là.
Bon, j'ai perdu beaucoup trop de temps pour cette connerie moi. Mais fallait que ça sorte.
Albert Camus disait :
"Un homme, ça s’empêche."
Eh bien ça s’éduque aussi. Et ce n’est plus aux femmes de s’en charger. Elles ont assez donné. Elles ont assez payé.
Vous ai-je déjà dit que j'aimais beaucoup Baptiste Beaulieu ?
via chaipuki
Sur une feuille, deux enfants sont dessinés. L’un dans une posture de domination, l’autre représentant la subordination. Aucun des deux personnages n’offre le moindre indice sur son genre et pourtant, ”à partir de quatre ans, une large majorité d’enfants considère que le personnage dominant est un garçon”, rapportent les chercheurs dans un communiqué du CNRS.
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“On a, au niveau global, une tendance à associer masculinité et pouvoir mais avec des variations selon le genre des participants dans certaines expériences”, résume-t-il.
via Tommy
Géniale, comme toujours.
Elle [Benoîte Groult] ressentait, à travers des mots et des gestes, qu’elle n’avait plus tout à fait sa place dans des événements ordinaires de la vie sociale dont elle prenait conscience qu’ils étaient régis par des limites d’âge implicites. Dans son milieu, celui du monde littéraire, du spectacle et de la politique, où beaucoup d’hommes de son âge étaient en couple avec des femmes bien plus jeunes, elle avait également commencé à ressentir le vieillissement de son apparence comme une forme de stigmate — une expérience à laquelle, au même âge, son mari pouvait encore échapper. Se sentant impuissante à changer les règles du jeu, elle assumait d’avoir eu recours à un lifting
Coucou Yann Moix. Un commentaire ?
Depuis l’âge de 9 ans, on m’a expliqué que j’étais noir et que j’étais inférieur
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En tant que personne noire, on vous demande d'accepter. Si jamais vous revendiquez et vous dénoncez, on n e vous comprend pas.
Mais le fait de penser de façon aussi abstraite n’est pas une simple erreur. C’est un choix philosophique.
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Peut-on réellement penser hors de soi-même? Personnellement, j’ai un gros doute. Et c’est d’autant plus difficile quand on jouit de privilèges parce que le privilégié croit toujours que son regard sur le monde est universel, la preuve: c’est sa vision du monde qui domine partout. Il se voit donc légitimé en permanence. Il peut traverser la vie et penser sans réfléchir à sa position dominante parce qu'il ne la ressent pas.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un article de Titiou Lecoq. C'est un tort.
Retrouvé suite à une discussion sur Mastodon (merci Riff) :
Il faudra pourtant, à mon avis, étudier la sexualité pour comprendre les violences sexuelles. Nous avons longtemps dit – et c’était sans doute une étape nécessaire pour faire comprendre la gravité de ces violences – que le viol n’était pas du sexe comme si le sexe était par essence, non violent et exempt de rapports de dominations. Pourtant tout nous prouve, dans la construction de la sexualité occidentale, que le sexe entre hommes et femmes est traversé de rapports de pouvoir, de violence, de domination et d’abus. « Baiser quelqu’un » désigne à la fois le fait de pénétrer une femme (une femme ne baise pas les hommes dans le langage courant, elle est baisée) et le fait de piéger quelqu’un. Dans une société où le sexe ne serait que source de plaisirs et de joies, « se faire baiser » devrait être synonyme d’une situation très agréable. On dirait alors : « ah je suis allée au restaurant, j’ai très bien mangé, j’ai bien été baisée » pour qualifier son contentement. Or, non « se faire baiser » est synonyme d’une situation où l’on s’est fait avoir, où l’on se sent un peu ridicule, d’où rien de positif ne ressort. Le langage familier autour du sexe est lui aussi synonyme de violences, blessures, chasse, meurtre : baiser, défoncer, percer, trouer, casser les pattes arrières, bourriner, défoncer, déglinguer, etc. Les métaphores autour de la sodomie sont l’archétype de moments très désagréables ; ainsi les syndicats persistent, à chaque manifestation, à les employer pour qualifier des mesures jugées mauvaises. Encore une fois, si vraiment la sexualité était une pratique dénuée de rapports de pouvoir et de violence, pourquoi la pénétration qui en constitue une part importante, est-elle systématiquement synonyme d’événements négatifs ?
Guillaume Erner, hier sur France Inter, s’émouvait du fait qu’on puisse établir un continuum entre violences sexuelles et drague lourde. J’irai plus loin. Il y a un continuum entre la sexualité, au moins hétérosexuelle, et les violences sexuelles. Les réactions négatives aux témoignages de violences sexuelles en sont d’ailleurs un bon indice. Beaucoup d’hommes et de femmes sont totalement incapables de percevoir que ce qui pose problème dans les violences sexuelles est le non consentement de la victime. Comment le pourraient-ils ? Est-il tellement pris en compte dans ce qu’on appelle le sexe consenti ? Regardez des séries, regardez des films, lisez ! Constatez le nombre de fois où l’on sent les femmes totalement consentantes aux actes sexuels. Ils sont peu nombreux. Constatez les fois où leur non consentement nous est présenté comme excitant et prélude à une sacrée bonne baise.
Dans ces moments de la vie, quotidiens et banals, je réclame le droit de ne pas être importunée. Le droit de ne même pas y penser. Je revendique ma liberté à ce qu’on ne commente pas mon attitude, mes vêtements, ma démarche, la forme de mes fesses, la taille de mes seins. Je revendique mon droit à la tranquillité, à la solitude, le droit de m’avancer sans avoir peur. Je ne veux pas seulement d’une liberté intérieure. Je veux la liberté de vivre dehors, à l’air libre, dans un monde qui est aussi un peu à moi.
Je ne suis pas une petite chose fragile. Je ne réclame pas d’être protégée mais de faire valoir mes droits à la sécurité et au respect.
Dans un précédent article de notre série sur le traitement médiatique de l’affaire Weinstein et du hashtag « BalanceTonPorc », nous évoquions la manière dont certains commentateurs et éditocrates ont occulté la question de la libération de la parole de femmes victimes de violences. À ce sujet de fond, ils ont substitué de vaines polémiques sur les termes employés, qui renverraient à la délation ou seraient trop insultants pour la gent masculine… voire pour les porcs.
Dans ce nouvel article, nous revenons plus particulièrement sur des formes plus radicales de détournement voire de déni du phénomène, et sur la large audience médiatique dont elles ont bénéficié. Un nombre significatif d’éditocrates et de polémistes réactionnaires aux positions parfois édifiantes ont en effet joui d’une exposition médiatique considérable, au-delà des médias de parti-pris dans lesquels ils interviennent quotidiennement.
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On l’a compris : le féminisme ne devrait être bon qu’à se focaliser sur les agresseurs musulmans ou les migrants, mais certainement pas à remettre en cause la domination masculine.
Ce qui me fait le plus peur, à la lecture de cet article, c'est la façon dont il met en lumière à quel point nous vivons dans un pays, une société, une époque hyper-réactionnaire... pour ne pas dire dominée par la pensée conservatrice, pour ne pas dire d'extrême-droite.
O.J. Simpson, Oscar Pistorius, Bertrand Cantat... Ce n'est pas la première fois qu'en France, le traitement médiatique d'affaires de violences conjugales prend des allures de feuilleton romanesque. D'où vient cette tradition, très française, de romantiser les fémicides, de tenter de polir les contours d'une réalité terrible (rappelons que 123 femmes sont mortes de violences conjugales en 2016), avec des expressions vides de sens juridique, comme "crime passionnel" ?
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Qu’est ce que ça dit du rapport de notre société aux femmes ?
Ça veut dire qu’il reste beaucoup à faire. C’est un symptôme de l’inégalité des sexes, en terme de domination. Cantat a toujours été présenté dans cette affaire comme le pauvre homme. Il y a eu beaucoup d’articles, même dans Le Monde, qui disaient : “Bertrand Cantat est notre frère.” On n’a jamais vu ça pour une femme qui aurait violenté un homme. Quand les femmes tuent leur conjoint - avec le cas récent de Jacqueline Sauvage par exemple -, il n'est pas question de “crime passionnel”. Le mot "fémicide" n’est toujours pas reconnu en France. Il a été inscrit dans des lois en Amérique latine, curieusement, mais toujours pas en France. La presse est assez épouvantable, parce qu’elle traite tout ce qui va concerner les hommes et les femmes, de façon inégale. On doute de la parole des femmes. Et les hommes sont dominés par leurs passions, c’est-à-dire par leur sexualité en fait. C’est la même chose pour les histoires de harcèlement sexuel. Toute la presse véhicule sans arrêt des stéréotypes sur la famille, le couple, avec des schémas sous-jacents extrêmement traditionnels.
via Riff
Ce sont deux des mille exemples de symétrie que l’on rencontre partout dans les discours sociaux : toute opposition binaire entre deux éléments quels qu’ils soient (des gens, des genres, des peuples, des races, des classes, des religions, des belligérant.e.s, des mort.e.s, de simples opinions ou positions) est susceptible d’amener l’argument de la symétrisation, c’est-à-dire la mise en équivalence des éléments en cause.
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La dénonciation d’un « racisme antiblanc » est un excellent exemple, le meilleur peut-être, de symétrisation idéologique (la question se pose différemment selon les aires géographiques et culturelles et je parle ici plutôt de la situation française ; et je parle de l’opposition blanc/noir mais le « racisme antiblanc » concerne également les arabes et l’ensemble des non-blanc.he.s). L’affirmation de l’existence d’un racisme antiblanc repose sur une analogie : les attaques des noir.e.s fondées sur la couleur des blanc.he.s seraient équivalentes aux attaques des blanc.he.s fondées sur la couleur des noir.e.s, et relèveraient donc du racisme. Je n’ai pas fait de recherche étymologique sur l’origine de l’expression dont l’emploi courant semble daté des années 1980, émanant du Front national pour certains ; aux États-Unis, on parle de « reverse racism« , la notion d’inversion manifestant bien la dimension symétrique. Mais cette symétrie fondée sur l’analogie gomme l’essentiel, c’est-à-dire l’histoire, le point d’énonciation et le contexte.
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La misandrie est également, et surtout, un argument : elle est au cœur du discours masculiniste qui fait des hommes les victimes des féministes, comme si le combat féministe constituait une violence structurelle envers les hommes. Elle sert aussi d’arme courante contre le féminisme en soi (les revendications féministes seraient plus motivées par la haine des hommes que par un véritable désir de changement des rapports homme-femme), ou contre une forme de féminisme (la misandrie serait un des risques du féminisme, selon Élisabeth Badinter dans Fausse route par exemple).
Je regarde le chiffre effarant, affolant des violences sexuelles, dont les hommes ne cessent de me dire que cela devrait être mon unique et seul combat et je le vois s’éloigner car je suis trop occupée à chercher mes mots pour ne pas blesser les hommes.
Je sais qu’ils sont blessés lorsque je parle des violences sexuelles. Blessés que je puisse les en croire auteurs. Blessés que je puisse les comparer avec ceux qui violent et que je ne définis pas plus précisément ce qui entretient un doute insupportable entre les hommes qui ne violent pas et les hommes qui violent. Blessés que tout mon discours ne soit pas mieux choisi, mieux construit, mieux écrit afin de ne pas les stigmatiser.
Il se joue alors un jeu étrange entre eux et moi, dont on feint de ne pas connaître les règles mais dont on connaît l’issue.
Ces hommes vont me presser de questions, de demandes de références, de leur expliquer la totalité du féminisme, des violences sexuelles aux tâches ménagères en passant par l’inégalité salariale. J’aurais droit à la mauvaise foi, aux arguments homme de paille. Tout mon défi sera de chercher les bons mots, la bonne phrase, la bonne tournure. Toute mon attention sera concentrée sur le fait de ne pas leur déplaire, et que peut-être ils deviennent moins des ennemis de classe, des dangers directs ou indirects, des participants actifs ou passifs au sexisme. Tout leur discours sera sous-tendu par la menace suivante : « SI tu n’es pas gentille, SI tu ne réponds pas à toutes mes questions, SI tu t’énerves, alors je serai un ennemi du féminisme et cela sera ta faute ».
Les femmes sont en général vues comme responsables des violences sexuelles qu’elles subissent. La boucle se boucle. Si nous n’expliquons pas gentiment aux hommes qu’il faut pas violer, alors ils le feront.
Les féministes deviennent alors responsables des violences faites aux femmes. Si les féministes étaient plus pédagogues, plus gentilles, moins agressives, alors les hommes s’énerveraient moins en réaction. Je ne travaillerais plus à lutter contre les violences faites aux femmes mais concentrerais toute mon attention à ce que les hommes ne violent pas davantage à cause de moi, ne soient pas plus sexistes à cause de moi, ne soient pas des ennemis du féminisme à cause de moi. Toutes les violences faites aux femmes pourraient s'estomper, d'un coup, si les féministes faisaient un peu plus d'efforts et comprenaient un peu mieux le mal-être des hommes.Les hommes m’expliquent qu’ils sont prêts à m’écouter. M’écouter comme si ce dont je parlais concernait la lecture du dernier polar de l’été ou de la dernière recette de cuisine testée. Comme si au fond ce ce que je disais n’avait que peu d’importance alors que cela implique des dizaines de milliers de victimes par an. M’écouter comme si c’étaient des mots de plus, sur un sujet aussi intéressant ou inintéressant que le jardinage ou les jeux videos. Pas un discours qui implique ma vie, ma liberté, la libre disposition de mon corps. M'écouter avant de prendre leur café ou après avoir pris leur dessert. "Ils ont quelque minutes à me consacrer" me disent-ils.
Ils m’écouteront, auront cette grandeur d’âme si je fais quelques efforts. Si j’adapte mon vocabulaire. Si je choisis mes mots. Bannir le mot « homme » de mon vocabulaire peut-être. Dire « ils ». Dire « les monstres ». Bannir le mot « viol » peut-être aussi. Dire « abus ».
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Pourquoi vous sentez vous plus mal de mes mots que des violences sexuelles ? C’est une chose assez extraordinaire que de constater que vos egos priment sur la lutte contre les violences sexuelles. C’est une chose assez incroyable de vous voir subordonner votre aide relative aux luttes des femmes à la façon dont nous allons vous caresser dans le sens du poil, en prenant soin de ne pas vous déranger.
Je regarde les chiffres des violences sexuelles et je me dis qu’une femme est violée toutes les 7 minutes en France. Ce sont des mots, souvent un peu abstraits. Je sais qu’il suffirait d’un peu de bonne volonté masculine pour que ces chiffres diminuent drastiquement. Cela parait étrange de parler de "bonne volonté" en matière de violences sexuelles non ? Et pourtant.
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Il faudra admettre que les hommes n'ont pas le droit de disposer du corps des femmes, du corps des enfants et du corps d'autres hommes. Cela les rend très malheureux je le sais, on me parlera de leur misère sexuelle pendant que je parlerais de viol. On comparera le fait de ne pas pouvoir baiser alors que je parle du fait de ne pas violer.
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Pendant ce temps, les hommes se demandent pourquoi les féministes disent "les hommes" au lieu "des hommes".
Pendant ce temps, des hommes me disent que lire ce que j'écris, lire des récits de violence sexuelle est "dur mais qu'ils arrivent à ne plus se sentir mis en cause". C'est tout ce que ce que cela suscite. Ils ne se sentent plus accusés (alors qu'ils le sont), ils ne se sentent plus visés (alors qu'ils le sont), ils ne sentent plus ma colère (alors qu'elle est là, intacte, entière, brûlante). Ils sont tranquillisés ; je ne les visais pas eux et c'est bien tout ce qui importe n'est ce pas. Je dois continuer à "être pédagogue" me disent-ils en me tapotant sur la tête pour me féliciter de mes efforts à les rassurer, à ce qu'ils ne se sentent pas impliqués, touchés, blessés. Ce n'est pas la violence sexuelle commise par les hommes qui est dure, ce sont les mots des féministes qui en parlent. Ce ne sont pas les hommes violeurs qui sont durs - et la masse bêlante des hommes occupés à pinailler sur le "bon mot" pour parler - mais mes mots mis sur les violences sexuelles commises SUR les femmes PAR les hommes
Diana était aussi grande que Charles, mais elle parait toujours plus petite sur les photos.
"Ainsi les femmes sont attachées à ce trait de domination physique et symbolique de l'homme."
Pas étonnant, après des siècles passés à leur expliquer que c'est important.
Excellente métaphore sur, une fois encore la "violence" et "l'agressivité" des opprimé·e·s.
Nettie Maria Stevens est une généticienne américaine, née le 7 juillet 1861 à Cavendish (Vermont) et décédée à Baltimore (Maryland) le 4 mai 1912 d’un cancer du sein. Ses travaux ont donné lieu à l'une des découvertes biologiques fondamentales du XXe siècle en permettant d'affirmer que le sexe de chaque individu est déterminé par ses caractères chromosomiques. Exclue de toute reconnaissance à une époque où les femmes étaient encore écartées du savoir scientifique, elle resta dans l'ombre de ses collègues masculins1.
Merci au Doodle du jour.
Merci Mydjey d'avoir lié cet excellent article, qui me confirme qu'Asimov est toujours aussi digne d'admiration.
Quoique juif, et pauvre de surcroît, j’ai pu bénéficier du système éducatif américain dans ce qu’il a de meilleur et fréquenter une de ses meilleures universités ; je me demandais, à l’époque, combien d’Afro-Américains se verraient offrir la même chance. Dénoncer l’antisémitisme sans dénoncer la cruauté humaine en général, voilà qui me tourmentait en permanence. L’aveuglement général est tel que j’ai entendu des Juifs se désoler sans retenue devant le phénomène de l’antisémitisme pour aborder sans se démonter la question afro-américaine et en parler en petits Hitler. Si je le leur faisais remarquer en protestant énergiquement, ils se retournaient contre moi. Ils ne se rendaient pas du tout compte de ce qu’ils faisaient.
Cependant, je ne comprends pas ta digression sur "certains Shaarlistes quand ils abordent des sujets telles que la défense des LGBT ou le féminisme de manière virulente et haineuse". (je me demande pourquoi j'écris ceci, étant donné que tu as déjà averti que tu étais fermé à la discussion).
Juste pour reprendre les termes de ton argumentation : à quel moment les défenseur.e.s (oulalala, sutout ne pas citer de noms) des causes LGBT et/ou féministes se sont-illes conduits en bourreaux ? J'aimerais beaucoup avoir des noms et des faits, juste pour ma gouverne.
Et pour la défense des "minorités", je te renvoie à ça : http://www.mypersonnaldata.eu/shaarli/?yKsbPw
C'est un problème de domination et de rapport de force : quand, comme le dit Asimov, on est en haut de la pyramide, c'est forcément au détriment de ceux qui sont en-dessous. A rapprocher de ce que j'ai déjà lié par ailleurs : de même que "ce n’est pas parce qu’un groupe humain a subi d’atroces persécutions qu’il est par essence bon et innocent", le meilleur des homme doté d'un pouvoir immense ne fera pas forcément des choses immensément généreuses