Retrouvé suite à une discussion sur Mastodon (merci Riff) :
Il faudra pourtant, à mon avis, étudier la sexualité pour comprendre les violences sexuelles. Nous avons longtemps dit – et c’était sans doute une étape nécessaire pour faire comprendre la gravité de ces violences – que le viol n’était pas du sexe comme si le sexe était par essence, non violent et exempt de rapports de dominations. Pourtant tout nous prouve, dans la construction de la sexualité occidentale, que le sexe entre hommes et femmes est traversé de rapports de pouvoir, de violence, de domination et d’abus. « Baiser quelqu’un » désigne à la fois le fait de pénétrer une femme (une femme ne baise pas les hommes dans le langage courant, elle est baisée) et le fait de piéger quelqu’un. Dans une société où le sexe ne serait que source de plaisirs et de joies, « se faire baiser » devrait être synonyme d’une situation très agréable. On dirait alors : « ah je suis allée au restaurant, j’ai très bien mangé, j’ai bien été baisée » pour qualifier son contentement. Or, non « se faire baiser » est synonyme d’une situation où l’on s’est fait avoir, où l’on se sent un peu ridicule, d’où rien de positif ne ressort. Le langage familier autour du sexe est lui aussi synonyme de violences, blessures, chasse, meurtre : baiser, défoncer, percer, trouer, casser les pattes arrières, bourriner, défoncer, déglinguer, etc. Les métaphores autour de la sodomie sont l’archétype de moments très désagréables ; ainsi les syndicats persistent, à chaque manifestation, à les employer pour qualifier des mesures jugées mauvaises. Encore une fois, si vraiment la sexualité était une pratique dénuée de rapports de pouvoir et de violence, pourquoi la pénétration qui en constitue une part importante, est-elle systématiquement synonyme d’événements négatifs ?
Guillaume Erner, hier sur France Inter, s’émouvait du fait qu’on puisse établir un continuum entre violences sexuelles et drague lourde. J’irai plus loin. Il y a un continuum entre la sexualité, au moins hétérosexuelle, et les violences sexuelles. Les réactions négatives aux témoignages de violences sexuelles en sont d’ailleurs un bon indice. Beaucoup d’hommes et de femmes sont totalement incapables de percevoir que ce qui pose problème dans les violences sexuelles est le non consentement de la victime. Comment le pourraient-ils ? Est-il tellement pris en compte dans ce qu’on appelle le sexe consenti ? Regardez des séries, regardez des films, lisez ! Constatez le nombre de fois où l’on sent les femmes totalement consentantes aux actes sexuels. Ils sont peu nombreux. Constatez les fois où leur non consentement nous est présenté comme excitant et prélude à une sacrée bonne baise.