J'essaie d'éviter d'aller sur "X-anciennement-Twitter", comme disent les journaux, mais c'est plus fort que moi (comme maître Sega, poke la team vieux).
Du coup je suis tombé sur cette intervention d'Aristide Briand, rapporteur de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’État, cité par @Maitre_Eolas.
En substance, la question est celle du costume des ministres des cultes, mais la réponse s'applique aussi à leurs fidèles : interdire un costume particulier au motif qu'il rappelle trop le culte auquel il est associé, serait s'exposer à un risque d'intolérance et de ridicule.
Lisez, l'extrait n'est pas très long et il est savoureux (il semblerait que les députés maîtrisaient mieux la langue française en ce temps là).
La fin est dramatiquement drôle :
La soutane devient, dès le lendemain de la séparation, un vêtement comme un autre accessible à tous les citoyens, prêtres ou non.
Je pose la question, en toute candeur : si demain, une jeune fille non-musulmane (qu'elle soit catholique, protestante, juive, bouddhiste, hindhouiste, pastafariste, athée ou agnostique ou que sais-je encore) faisait son entrée au collège ou au lycée dans une robe longue ressemblant à une abaya, il se passerait quoi ?
Mon mauvais esprit (oui, je suis à la fois candide et de mauvais esprit) me souffle : strictement rien, du fait qu'elle ne serait pas "visiblement musulmane" comme l'a dit je ne sais plus quel imbécile.
EDIT : j'avais l'air de rigoler, mais ça fait réellement partie du problème : https://www.huffingtonpost.fr/france/article/interdiction-de-l-abaya-le-conseil-francais-du-culte-musulman-denonce-le-flou-autour-de-la-definition-du-vetement_222683.html
L’absence « d’une définition claire de ce vêtement crée de fait une situation floue et une insécurité juridique », estime le CFCM*, notamment car dans certains contextes l’abaya pourrait être considérée comme « musulmane » - et donc interdite - et dans d’autres comme « non musulmane » - et donc autorisée.
De ce fait, le CFCM dit craindre un « contrôle au faciès arbitraire » ou que les critères d’évaluation de la tenue des jeunes filles reposent sur « l’origine supposée, le nom de famille ou la couleur de peau ». En conséquence, l’instance « se réserve le droit de saisir le Conseil d’État si l’application concrète de cette mesure d’interdiction aboutissait à des formes de discrimination ».
En même temps, je trouve le CFCM trop complaisant : en se réservant de saisir le Conseil d’État pour les cas qui relèveraient manifestement d'une discrimination fondée sur l'apparence (bref, du racisme), cela revient à dire qu'il accepte les autres cas, au motif que l'abaya n'est pas une prescription religieuse. Et pourtant -Cf. ci-dessus- le simple fait d'interdire l'abaya est une discrimination, puisque fondée sur le lien supposé entre ce vêtement et l'appartenance à une religion.
*CFCM = Conseil français du culte musulman