« Envoyé Spécial » prétend donner la parole à deux sociologues, spécialistes de Pôle Emploi : Jean-Marie Pillon et Hadrien Clouet, invités à commenter une partie des images récoltées par la journaliste en immersion. Leur temps de parole ? 40 secondes, montre en main, relance de la journaliste comprise. Soit la possibilité de ne rien dire, en plus de ne pas répondre à la question posée…
Une parole scientifique réduite à la portion congrue, a fortiori quand l'entretien des sociologues a duré, selon leur témoignage que nous avons pu recueillir, pas moins de 2h30 ! Un choix éditorial que critique Hadrien Clouet : « Une image en tant que telle ne dit jamais rien : elle fournit un support pour penser des choses, mais il faut l'analyser. L'intérêt de nous joindre au dispositif vise justement à élargir le propos, en expliquant ce que ces images disent de choses invisibles, comme les politiques d'emploi, la réforme de l'assurance-chômage, les attentes vis-à-vis de Pôle emploi… » Jean-Marie Pillon complète : « Sans doute que nos propositions d'explication ne corroboraient pas leur propre lecture de leurs matériaux. L'angle défendu par les journalistes peut s'affranchir de la parole scientifique, […] à condition de défendre une explication étayée. Or, ce qui pose problème, c'est que le traitement du sujet ne propose pas de contextualiser, d'expliquer et d'interpréter les images qui ont été captées. Le spectateur est invité à la sidération, à l'étonnement sans chercher à comprendre. C'est là où la parole scientifique aurait pu avoir sa place et c'est dommage qu'elle ne soit finalement remplacée par rien du tout. C'est un peu problématique pour un reportage d'information ».
Ou comment ne pas parler des vrais problèmes.